« La première victime de la guerre, c’est la vérité » (Hiram Warren Johnson, gouverneur et sénateur américain, 1917).
Cette citation souligne la propension de la vérité à être sacrifiée dans le tumulte des conflits, où la propagande et la désinformation deviennent fréquemment des outils stratégiques. La vérité est d’autant plus fragile dans les contextes de conflit, où les agendas politiques et les stratégies de communication prennent souvent le pas sur la transparence et l’objectivité.
Mais ce constat n’est qu’une facette d’un problème plus profond que David Colon nomme la « guerre de l’information ». Dans le contexte actuel de la guerre israélo-palestinienne, ne vous êtes-vous jamais retrouvé face à une fausse vidéo sur les réseaux sociaux ? Une information erronée ? Des posts détournés à des fins de propagande ? Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, la réponse est affirmative. Ainsi, selon une étude de Statistica publiée en 2023, 24 % des Français ont déclaré être très souvent exposés à des fake news sur les réseaux sociaux en 2018, un chiffre sûrement sous-estimé.
Armé d’Internet
L’avènement des médias et d’Internet a permis la diffusion à l’échelle mondiale d’informations par les acteurs privés, et ce sans médiation de l’État. Mais ce phénomène a deux facettes : d’un côté, ce flux d’information n’étant peu ou plus contrôlé par les organismes gouvernementaux, il peut être exploité par des terroristes, complotistes ou propagandistes, afin de diffuser leurs idées au-delà des frontières physiques, politiques et légales des Etats; de l’autre, l’information circule désormais librement, sans contrainte ni censure, ce qui a permis par exemple aux organisations non gouvernementales d’exprimer la légitimité de leurs opinions.
Nous évoluons dans une époque où, depuis la fin de la Guerre Froide, l’essor d’Internet et des réseaux sociaux bouleverse l’équilibre géopolitique. En temps de guerre, la puissance des États dépend de leur capacité à investir et à recourir à l’information en tant qu’arme aux fins militaires, politiques et diplomatiques. Cela inclut la dissémination de fausses informations, la désinformation, la propagande, et parfois même des cyberattaques visant à influencer l’opinion publique et les décisions politiques. En effet, en temps de guerre, la vérité objective peut délibérément être obscurcie ou déformée à des fins politiques et propagandistes. Les gouvernements et les acteurs impliqués peuvent chercher à contrôler les récits et à manipuler l’opinion publique en présentant des informations sélectives ou trompeuses, allant de la censure des médias à la diffusion de fausses nouvelles en passant par la manipulation de l’histoire.
Alors, nous nous trouvons désormais dans l’incapacité de discerner le vrai du faux, un amas d’informations étant pris dans ce système de bataille à l’échelle internationale entre acteurs publics et privés. Dans cette guerre de l’information, la vérité peut souvent être éclipsée par des récits manipulés ou déformés, les faits devenant des armes, la confusion du public se transformant en but ultime.
Un nouveau métier pour les journalistes
Le rôle des journalistes se voit ainsi entravé. Bien qu’Internet ait révolutionné l’accès à l’information dans le monde entier en la rendant gratuite et instantanée, nous sommes quotidiennement confrontés à une accumulation d’informations volatiles que notre cerveau peine à trier. Tout un chacun peut diffuser des vidéos en pensant endosser le rôle d’un journaliste, images qui sont par ailleurs de plus en plus reprises par les médias dans leurs reportages et articles. Cependant, du fait de ces surcharges informationnelles, l’essentiel est souvent oublié. Mais peut-on réellement qualifier d’”information” ce que nous voyons quotidiennement sur nos réseaux sociaux, ou s’agit-il en fin de compte de simples réactions ? C’est ainsi que naissent les Fake News et Infox involontaires, renforçant encore la propagande mise en place en temps de guerre.
C’est alors qu’interviennent les journalistes. Aujourd’hui, leur métier ne se résume plus à la diffusion d’information; ils se doivent d’affirmer la vérité, souvent par le décryptage et la vérification d’information. Mais certains vont encore plus loin, comme l’exemple de la guerre entre la Russie et l’Ukraine l’illustre. La population russe y connaît une certaine forme de censure de l’information, les réseaux sociaux étant momentanément désactivés, laissant les citoyens aux mains de la télévision d’État. C’est dans ce contexte que Marina Ovsyannikova, journaliste russe, a dénoncé cette “propagande” lors d’un journal télévisé en direct le 14 mars 2022, brandissant une pancarte affirmant « Ne croyez pas à la propagande » et « Ils vous mentent ici ». En critiquant les actions de la Russie en Ukraine, elle s’est montrée prête à mourir ou à être emprisonnée au nom de la liberté de l’information. Les journalistes de guerre deviennent ainsi les seuls témoins permettant de diffuser la vérité, comme le correspondant de guerre Patrick Chauvel l’a si bien mis en avant.
“Pas de témoin, pas de crime” (Patrick Chauvel)
En fin de compte, la vérité est devenue une victime collatérale de ces jeux de pouvoir et d’influence. C’est pourquoi il est crucial d’adopter un esprit critique, de maintenir sa garde et de vérifier ses sources au vu de la complexité des sujets abordés et de nos habitudes de consommation de l’information. Prendre conscience de ces stratégies subtiles de manipulation médiatique nous permettra d’être mieux équipés pour résister à la désinformation contribuant ainsi à la création d’un environnement médiatique plus informé et plus responsable.
Solène Paris
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