Alors qu'Espol organise prochainement ses simulations du Parlement européen en collaboration avec les Jeunes Européens de Lille, Le Canari a eu l'occasion d'interroger trois adhérentes de cette association.
Qui sont-ils ? Que font-ils ? Que prévoient-ils en vue des européennes ?
Louis Gillis est vice-présidente en charge des relations publiques, Mathilde Domont est responsable du Pôle L'Europe par les Jeunes et Carla Rojot est co-responsable du Pôle Commission politique.
Dans la perspective des élections européennes de 2024, comment se mobilisent les
jeunes européens pour mobiliser la population sans pour autant prendre parti ?
Louise Gillis - L’association des Jeunes Européens - France regroupe des jeunes ayant tous la même conviction : s’engager pour l’Europe, c’est s’engager pour un avenir plus durable, plus démocratique et plus uni. Bien que chacun d’entre nous puisse avoir des points de vue parfois variés, nous partageons tous les mêmes valeurs fondamentales. Nous pensons que la force de notre association se trouve justement dans le modèle transpartisan, qui enrichit les discussions, valorise les opinions de chacun et aboutit à des prises de décision participatives.
Toutefois, nos actions de mobilisation pour la démocratie européenne peuvent prendre différentes formes. Lorsque nous marchons pour l’Europe, comme au Sommet de Strasbourg de Mai 2022, nous affirmons haut et fort nos valeurs et notre idéal politique d’une Europe plus citoyenne. Lorsque nous nous mobilisons en rue sous le slogan “Democracy Under Pressure”, nous luttons contre les menaces pesant sur la démocratie, l’Etat de droit et les libertés fondamentales au sein de l’Union.
Mais chez les Jeunes Européens - Lille Métropole, nous choisissons principalement d’axer nos efforts sur la pédagogie en déclinant au niveau local le programme “Europe Par les Jeunes” (EPJ) des Jeunes Européens - France, au travers duquel nos bénévoles se rendent auprès des citoyens (écoles, lycées, centres pénitentiaires, lieux fréquentés en ville) pour amener l’Union européenne au plus près d’eux et ce, sans prendre parti. Grâce à nos outils pédagogiques construits sur le modèle de l’éducation populaire, nous sensibilisons toutes les personnes curieuses d’apprendre à la définition de l’Union européenne, son pouvoir d’agir et sa traduction dans nos vies quotidiennes.
Enfin, pour cette année d’élections, nous envisageons la multiplication des temps d’échanges et notamment de débats entre liste de partis participants aux européennes 2024). Notre but est de réussir à réunir, autour d’un même sujet, des candidats aux points de vue et appartenances politiques différents afin de mobiliser les citoyens présents en leur proposant un débat libre et éclairé.
Échangez-vous avec d’autres partenaires pour obtenir des méthodes, découvrir des
pratiques qui renforceraient votre message ?
Louise Gillis - Qu’il s’agisse du niveau local ou national, les Jeunes Européens travaillent nécessairement avec des associations partenaires. Tout d’abord, les Jeunes Européens travaillent régulièrement avec le Mouvement européen, une association pro-européenne dont la création s’ancre dans l’histoire de la construction européenne, dès 1947. Au niveau local, les Jeunes Européens - Lille Métropole ont par exemple préparé un riche programme s’étalant jusqu’au 9 juin 2024 en lien avec trois associations partenaires : le Mouvement Européen Nord, Interphaz (Maison Europe Direct de Lille Métropole) et l’APPC Lille (l’association d'Accompagnement pour les Projets Professionnels et Culturels).
Grâce à ces partenariats, nous avons pour ambition de rassembler et sensibiliser un maximum de citoyens en âge de voter à l’importance d’exercer son droit de vote, tout en leur proposant des activités ludiques et pédagogiques autour du débat européen. En interne, les Jeunes Européens - Lille Métropole s’efforcent également de travailler avec d’autres sections des Jeunes Européens de pays transfrontaliers, et notamment avec les Jeunes Européens - Belgique afin de renforcer et traduire concrètement le sentiment d’appartenance à l’Union européenne.
Nous sommes donc convaincus que les relations partenariales sont essentielles à notre action sur le territoire pour gagner en visibilité et sensibiliser une plus grande part de citoyens européens.
Comment estimez-vous le degré de mobilisation de la population en vue des élections ? Vous paraît-elle faible ? Élevée ? Y a-t-il d’importantes disparités sur les territoires ?
Mathilde Domont - Le degré de mobilisation de la population en vue des élections européennes de juin prochain dépend, comme l’expliquent les politologues, de facteurs sociaux, soit l’âge, la profession, le degré de politisation entre autres…
Nous avons conscience qu’il y a un certain désintérêt de la population, de manière générale, envers les élections européennes. Le taux de participation depuis les premières élections européennes en 1979 ne cesse de baisser en France mais à l’échelle européenne également. Le fonctionnement des institutions paraît complexe et les lieux où sont prises les décisions paraissent clos et lointains.
Face à ce constat, nous oeuvrons au travers de nos actions avec un objectif sous-jacent : montrer que de nombreuses décisions, prises au niveau européen, ont un impact sur le quotidien des Français et des Françaises. D’où l’importance pour eux et pour elles de voter, pour des candidats et des programmes politiques qui viendront défendre leurs idées et iront dans le sens de leurs convictions.
Nos interventions en milieu scolaire et milieu carcéral ont cette visée. À titre d’exemple, entre février et mai de cette année, nous intervenons à quatre reprises auprès de deux bâtiments de détenus au centre pénitentiaire d’Annoeullin. Ce cycle de débats & discussions vise à rendre plus familiers les détenus avec le sujet : de quoi s’agit-il quand nous parlons des élections européennes, qui se présente en juin prochain, quelles idées sont défendues dans les programmes et concrètement, qu’est-ce que les décisions prises au niveau européen auront comme impact dans le quotidien des Français et plus précisément dans leur quotidien à eux.
En parallèle nous souhaitons intervenir auprès des classes de Terminale des lycées de Lille, étant en grande majorité des primo-votants, pour les sensibiliser, de la même manière, au sujet.
Vous avez récemment publié, avec Destin Commun, une étude montrant que les Français sont “dans le brouillard” concernant les élections prochaines. Qu’en pensez-vous ? Que manque-t-il pour mobiliser ?
Mathilde Domont - Le manque d’informations sur l’Union européenne laisse planer un certain désintérêt pour le sujet du côté des électeurs et électrices en France. Pour notre association cette année, chaque intervention est une opportunité pour parler de l’Union européenne et bien entendu des élections européennes. Ainsi, l’enjeu est double. Notre objectif, lors des interventions pédagogiques, est de parler de l’Union européenne, de son fonctionnement, ses institutions et ses valeurs, pour transmettre des connaissances. En parallèle, comme évoqué précédemment, il s’agit également de parler des élections européennes compte tenu de l’importance des décisions prises au niveau européen.
Le Mouvement européen - France aux côtés des Jeunes Européens et de l’Union des fédéralistes européens sont à l’initiative d’une grande campagne d’incitation au vote et de sensibilisation aux enjeux du vote, intitulée « L’Europe pour de bon ». Les acteurs de la société civile sont invités à rejoindre le mouvement, pour permettre aux électeurs européens d’être informés tout en bénéficiant d’un débat public sincère et de qualité, entre acteurs de la campagne électorale européenne. Les enjeux au niveau européen étant fondamentaux, les électeurs et électrices doivent être en capacité de faire leur choix en tout état de cause. Les sections locales, dont notre section à Lille, prennent part à cette campagne et bénéficient de ressources, de formations et de supports de communication pour informer et sensibiliser sur le terrain, au niveau local.
Cette campagne a une grande importance, puisqu’elle mobilise de nombreux acteurs de la société civile partout en France, autour d’objectifs communs. Nous faisons donc partie de ces acteurs et oeuvrons dans le cadre de nos interventions dites EPJ (Europe par les Jeunes) pour encourager les publics que nous rencontrons à aller voter le 9 juin prochain.
Sentez-vous que les institutions sont suffisamment investies sur la question ?
Louise Gillis - La capacité des institutions européennes à atteindre l’électorat français paraît assez mince. Il suffit de questionner ses proches ou de simples passants pour s’en rendre compte : qui sait que les prochaines élections européennes auront lieu cette année, et qui en connaît la date exacte en France ? Si les institutions sont assurément investies sur la question, peut-être ne le sont-elles pas assez, ou pas de la bonne manière. Pour lutter contre l’abstention aux élections européennes, nous sommes persuadés que nous devons collectivement renforcer notre sentiment d’appartenance à l’Union. Cette démarche doit être omnicanale, en partant de l’éducation scolaire, en passant par les canaux de communication actuels tels que les réseaux sociaux, et en complétant le tout d’une démarche locale pour rapprocher l’Union de ses citoyens dans le but de la rendre concrète, palpable, et plus lisible pour tous.
Pour lutter contre l’abstention aux élections européennes, nous sommes persuadés que nous devons collectivement renforcer notre sentiment d’appartenance à l’Union.
A date, l’Union européenne dispose d’antennes locales, relais de la Commission européenne,
regroupées au sein d’un réseau appelé Europe Direct. Si la méthode est louable, elle peine à
mobiliser les citoyens. Néanmoins, ce défaut de popularité n’incombe pas uniquement aux
institutions européennes. En France, il est notoire que l’Union européenne ne bénéficie que
d’une place timide dans les médias et les débats. Pire encore, lorsqu’elle est évoquée, elle ne l’est que rarement de manière optimiste.
Ce sont toutes ces raisons qui nous poussent, nous, Jeunes Européens de Lille Métropole et d’ailleurs, à nous impliquer dans ce défi. En intervenant auprès de différents publics par des méthodes éducatives, par l’organisation de débats ou encore par des mobilisations de rue,
nous souhaitons prouver à nos concitoyens que leur voix compte, quelle qu’elle soit, et nous appelons le reste de la société civile à nous rejoindre. Les élections se tiendront dans 4 mois, travaillons ensemble pour relever le challenge !
Vous arrive-t-il fréquemment de rencontrer du désintérêt, voire de l’hostilité dans l’exercice de vos activités ? Si oui, comment y répondez-vous ?
Mathilde Domont - De par mon expérience de responsable du pôle pédagogique, je répondrai dans un premier temps que non, nous ne rencontrons pas de désintérêt ni d’hostilité. Je suis en relation avec des écoles, lycées, associations étudiantes, centres pénitentiaires et maisons d’arrêt, pour l’organisation de nos interventions pédagogiques. Tous et toutes montrent un certain intérêt pour notre association et nos missions. En effet, soit ces personnes nous sollicitent directement pour que nous intervenions, soit nous leur proposons d’intervenir et elles acceptent bien volontiers en général. Je dis en général car il arrive que nous n’obtenions pas de réponse ou que, par contrainte de temps/d’agenda par exemple, nous obtenions des refus.
Quand nous intervenons auprès d’élèves, d’étudiants ou de détenus, la grande majorité d’entre eux sont ravis de nos interventions, de par les retours qu’ils nous font directement ou par les retours des enseignants et encadrants. Il est important pour chaque intervention de l’adapter au public et au niveau de connaissances déjà acquises sur l’UE. Nous ne réalisons pas les mêmes interventions avec des détenus d’un centre pénitentiaire qu’avec des CM2 d’une école primaire par exemple. Ce qui importe aux premiers c’est de comprendre le lien
entre l’UE et leurs situations et conditions de personnes détenues. Pour les seconds
l’importance est de comprendre à quoi renvoie l’Union européenne, quels pays la composent, quelles valeurs et symboles y sont associés et une fois de plus quelle importance cela a pour leur quotidien.
Dans un second temps je répondrai à cette question en disant qu’il nous arrive de rencontrer à l’occasion de nos interventions et nos événements des personnes qui expriment un certain scepticisme quant au rôle et l’importance de l’UE. Il est très intéressant dans ces circonstances que d’échanger et de débattre avec elles. C’est en soi l’essence même de notre association, que de créer des espaces de débat et de discussions entre citoyens et
citoyennes.
Pourriez-vous résumer les grandes orientations que vous souhaitez voir poussées au niveau européen ?
Carla Rojot - Lors de l’Université d’été des Jeunes Européens (UEJE), nous avons défini ensemble un manifeste qui s’intitule « Nos 27 idées pour changer l’Europe ! ». L’objectif était de profiter de ce temps de réunion d’un grand nombre d’adhérents pour amender ensemble ce qui a été le fruit d’un travail d’un an de la Commission Politique Nationale. C’est un document assez concis de 6 pages dont il ressort plusieurs axes de propositions que nous prônons au sein des Jeunes Européens France, notamment sur les institutions, sur l’Etat de droit, sur la jeunesse et la citoyenneté ou encore sur l’élargissement de l’Union européenne.
Cette résolution a été écrite, amendée et votée en vue de notre action sur le terrain pour préparer les élections européennes 2024. L’objectif est double : transmettre aux représentants politiques nos idées pour l’Union européenne et pouvoir débattre sur le terrain avec les personnes que nous rencontrons afin de les sensibiliser pour aller voter le 9 juin 2024.
Comment avez-vous défini ces priorités afin de garder votre esprit transpartisan ?
Carla Rojot - Chaque résolution qui figure sur le site « Réflexion politique » des Jeunes Européens France est issue d’un travail commun et de débat entre nos adhérents. L’association des Jeunes Européens France, mais aussi les sections locales comme la nôtre sont transpartisanes. Néanmoins, certains de nos adhérents ont un engagement politique autre que celui des Jeunes Européens, notamment dans des partis politiques traditionnels. C’est toutefois grâce à la diversité de nos membres que nous gardons notre esprit transpartisan.
Transmettre aux représentants politiques nos idées pour l’Union européenne et pouvoir débattre sur le terrain avec les personnes que nous rencontrons afin de les sensibiliser pour aller voter le 9 juin 2024.
Chaque résolution est travaillée pendant un an par un groupe de travail de bénévoles volontaires constitué de membres d’au moins deux sections locales. La résolution est ensuite amendée lors de réunions dématérialisées de la Commission Politique auxquelles sont invités tous les bénévoles, puis une seconde fois en réunion physique lors des universités d’été chaque année. Une fois les amendements validés par tous les adhérents présents, la résolution est votée. Ce processus permet une participation de nos différents membres et donc, d’avoir une pluralité de points de vue et de garantir l’esprit transpartisan.
Sentez-vous une bonne réception de votre manifeste par les représentants politiques européens ?
Carla Rojot - C’est peut-être la question à laquelle il est le plus difficile de répondre en temps qu’échelon local. Il arrive régulièrement que les sections locales organisent des rencontres, comme des cafés/débats avec des députés européens. Il est alors possible lors de ces temps d’échange de partager nos positions et d’évoquer la manière dont les députés pourraient les défendre à l’échelle européenne. C’est encore plus le cas lors d’une année d’échéances électorales, comme actuellement avec les élections du 9 juin 2024. Lors des grands rassemblements nationaux comme l’Université d’été des Jeunes Européens (UEJE), un temps plus politique est souvent organisé et nous permet à tous d’échanger avec des représentants européens. L’UEJE 2023 fut l’occasion pour les représentants de la Commission Politique Nationale de transmettre aux représentants politiques européens notre manifeste « Nos 27 idées pour changer l’Europe ! » à l’occasion de la campagne pour les élections européennes 2024. L’action de transmission de nos idées aux représentants politiques européens relève cependant davantage du bureau national des Jeunes Européens France ou de l’échelon européen de l’association, « Young European Federalists ».
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