Je connais bien Révolte Toi.
Cette association j’y ai consacré des jours, des week-ends, des kilomètres, des nuits et du cœur.
Je l’ai chérie, aimée, fondée, dirigée. J’y ai connu la victoire, la défaite, la peur, la joie mais surtout j’y ai rencontré des gens formidables, d’où qu’ils viennent et où qu’ils aillent.
Pourquoi cette association existe-t-elle ?
Quand je suis arrivé en L1 à Espol, j’allais plusieurs fois par mois visiter des amis de Sciences Po à Paris. Ces amis m’ont invité un soir à un événement phare de la rue Saint Guillaume, un match d’éloquence entre leur école et l’université d’Assas.
1200 étudiants en liesse, criant à plein poumons pour soutenir leur équipe, dans la bonne humeur, la mauvaise foi et surtout dans une énergie digne de vrais événements sportifs nationaux.
Au sortir du combat (et après un selfie anecdotique en compagnie de François Barouin), j’étais persuadé que c’était la chose à développer pour notre jeune école en mal de notoriété. J’ai été voir le président de la FFD pour me moquer de la parisianité de sa coupe de France et ait proposé de créer un club d’éloquence en province, à Lille, qui n’était pas issu de la liste officielle des Grandes Écoles.
La 1ere valeur de Révolte Toi Espol était dans sa conception : L’Audace.
Rencontre avec mes camarades espoliens, rencontre avec l’administration, rencontre avec la direction.
Beaucoup de rencontres et d’acharnement où j’ai pu voir que ce projet n’était pas personnel mais bien partagé et attendu, l’enthousiasme était là et dès le premier débat organisé dans nos murs, le public a été au rendez-vous.
D’abord timide, puis amusé pour enfin se déchaîner, l’ADN se formait. C’était là que nous avions compris que l’association ne pouvait vivre sans public, sans cris et sans ardeur. Il fallait s’adresser à tous et le véritable cœur de l’éloquence n’était pas le jury ou l’adversaire mais bien dans les yeux braqués sur nous.
La 2ème valeur de Révolte toi Espol était dans sa présentation : Être populaire
Dans tous les sens que ce mot comprend, il fallait être populaire pour exister. Tout de suite, j’ai découvert le potentiel de tout ce qu’on pouvait faire ici.
Alors que j’avais imaginé monter un club de tueurs pour chasser du sciencespiste, du normalien ou du polytechnicien sur leurs terres et ainsi faire connaître la bannière de notre école ailleurs que dans les Salons Onisep, j’ai rencontré des gens de bonnes volontés, qui ne souhaitaient pas débattre, juste apprendre à mieux porter leur voix, à gérer le stress de la prise de parole, à rédiger plus efficacement ou lyriquement.
Au-delà de la volonté guerrière, il y a dans cette association une formidable notion de partage. C’est pour cela que nous avons aidé le club Lille 2 à se monter, pour cela qu’on a accueilli plusieurs fois des étudiants de la FLD, du BBA EDHEC ou de SKEMA. Le but n’a finalement jamais été le soulevé de coupe, mais bel et bien la diffusion d’un exercice, l’art oratoire, qui dépasse de loin le cadre des matchs, la FFD ou autres coupes et organisations. Ouverte à tous, pour le divertissement de tous. Prendre pour soi et progresser. Faire partie d’une équipe, se créer des souvenirs.
La 3eme valeur de Révolte-toi était dans son histoire : l’amour.
Oui, c’est cul-cul, c’est rose, ça fait Dauphin brillant sur fond de couchers de soleil. L’amour. Et ceux qui seraient gênés d’utiliser ce mot, incapables de le lire à voix haute sans rougir devraient alors songer à participer aux permanences.
L’amour. Parce que c’est ce qui nous anime tous. La passion, la joie, le bonheur, la vie, mettez-y ce que vous voulez dans ce terme, ça m’est égal et ça vous appartient. Mais c’est aujourd’hui et seulement avec un regard extérieur, que j’ai compris que l’amour avait été fondamental dans notre union et ce qui a parfois pu faire la différence.
Il n’y a pas de recettes magiques pour gagner des championnats d’éloquence, (juste s’entraîner un peu plus de façon régulière, écrire, écrire, écrire, jouer le public, flatter le jury...) et de toute façon ça n’a jamais été le but.
Ceux qui sont montés au pupitre savent de quoi il est question ici :
Derrière une porte, les papillons dans le ventre, le bourdonnement sourd d’un amphithéâtre plein à craquer, les émois de la première prise de parole et les mains moites, la gorge qui se sert, l’émotion qui se sent, l’électricité dans l’air et le cœur palpitant. C’est chimique, c’est de l’adrénaline pure. C’est de l’égo, c’est de l’amour.
Quand on organise un déplacement avec deux voitures pour aller à Polytechnique en roulant à 150km/h, Jul à fond dans les enceintes, c’est du bonheur, c’est de l’amour.
Quand l’équipe a perdu, qu’elle s’est fait humilier par un public grossier et acquis, mais que les camarades sont là, derrière, pour continuer à y croire.
Quand l’équipe gagne, qu’on va à l’îlot boire un coup et qu’on vous donne des grandes tapes dans l’épaule, quand des gens ont retenu votre punchline, qu’ils ont hurlé, quand les gens ont retenu votre propos, qu’ils sont troublés... c’est là qu’est le cœur battant de Révolte-toi Espol.
Nous ne sommes pas comme les autres écoles. De la licence au Master, les espoliens sont peu. C’est une famille, avec des frères, des parrains, des marraines, des cousins un peu éloignés qu’on aimerait voir moins souvent.
Mais encore aujourd’hui, alors que j’ai fini cette école, je considère toujours les espoliens de ma famille. C’est pour cela que j’ai voulu m’adresser à ceux que j’ai connu et ceux qui n’ont aucune idée de l’origine de l’association.
Audace, Popularité et Amour.
Ces valeurs ne sont pas immuables et tant mieux.
Bien sûr, elle doit changer, elle doit ressembler à son temps, être le reflet des nouvelles promotions en permanence. Mais il ne faudra pas oublier d’où elle vient et où elle va. Si j’ai pu aider par cette missive d’outre-tombe à un peu mieux expliquer la première, c’est à votre tour, Espoliens, d’écrire la seconde partie.
Prenez-y du temps et du plaisir, sans ça, rien n’a d’importance.
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