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Manon Dubernard Fernandez

Récap de l'actualité sociétale de la semaine du 28/11/2022

Le pouvoir des images satellites ou le miroir brisé de l’hypermodernité

Voir à 15 centimètres du sol depuis l’espace, capter les éclairs pourtant aussi éphémères qu’un clin d’œil, c’est désormais possible ! Avant la fin de l’année, un nouveau satellite sera envoyé dans l’espace. Opérationnel en 2025 pour un budget de 4 milliards d’euros, cet aigle d’acier fournira un volume de données 50 fois plus important que les satellites actuels. La France abrite les deux principaux acteurs de l'industrie spatiale européenne : Airbus Defence and Space et Thales Alénia Space, tous deux localisés dans plusieurs villes françaises, notamment à Toulouse. Le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) est l'équivalent en France de la NASA aux États-Unis.



Si l’espace était autrefois un désert, il est aujourd’hui un grand far-west. Ces gigantesques oiseaux spatiaux se sont multipliés depuis la course à l’armement et le premier satellite soviétique Spoutnik 1 lancé en 1957, en pleine Guerre Froide. D’ici 10 ans, plus de 70 000 satellites pourraient être en orbite autour de la Terre, alors qu’on en compte environ 4 000 actuellement. Il y a quelques années encore, lorsque nous nous trouvions dans une campagne isolée et sombre et que nous levions les yeux en direction du ciel dans une nuit noire, nous rencontrions les étoiles dans un face à face désorientant. Le risque était de commettre quelques erreurs : prendre Vénus pour une étoile véritable, ou encore la lumière d’un avion pour la chance d’un astre filant. Et maintenant ? Le risque de se tromper va croissant. Car bientôt, 1 point lumineux sur 15 que nous apercevrons dans le ciel sera un satellite.


La multiplication faramineuse de ces oiseaux intelligents dans l’espace a plusieurs raisons. Les satellites jouent désormais un rôle important à la fois sur le plan économique (télécommunications, positionnement, prévisions météorologiques), militaires (renseignement) et scientifiques (observation astronomique, microgravité, océanographie…). Ils observent la couche nuageuse pour aider les météorologues à prévoir la pluie et le beau temps, renseignent les services militaires sur des zones de conflits difficiles d’accès, transmettent la télévision ou encore permettent la connaissance de notre univers.


Au cœur des guerres, les satellites sont les yeux des Etats belliqueux, étant capables de fournir une résolution d’image des plus précises. Les experts peuvent donc identifier quel type de véhicules sont massés à quel endroit, de mesurer l’avancée des troupes des différentes armées… Un instrument clé dont les services militaires et de renseignement auraient bien de peine à se passer. Impossible de passer à côté de la moindre information, du moindre mouvement… Les satellites apportent des renseignements, mais aussi des preuves irréfutables.


Au-delà de la conquête des étoiles, on a tendance à oublier l’apport du spatial sur la santé de notre bonne vieille terre. Car pourtant, la salle des opérations est impressionnante ; on y trouve des centres d’observation équipés d’écrans façon l’Enterprise de « Star Trek » où défilent des données venues du ciel, de satellites qui tournent sans cesse au-dessus de nos têtes. De gigantesques mappemondes sur lesquels s’animent 20 000 points clignotants. On peut y voir des flotteurs ; des oiseaux ; des animaux marins et des mammifères terrestres.


Les satellites, photographes or pairs, prennent des clichés si précis qu’ils nous permettent d’y voir les plus grandes failles du système des sociétés actuelles. Pollution atmosphérique, de l’eau, déforestation, perte de biodiversité… Selon Lipovetsky, l'hypermodernité se caractérise par le plus, par l'excès. Il s'agit d’un aboutissement de la modernité dans la démesure. Et les images satellites le prouvent, nous sommes en plein dedans. C’est bien cette hypermodernité que nous alimentons et qui nous fait vivre, qui tue à petit feu la planète. Si nous vivons dans la compétitivité permanente, le triomphe de l’éphémère et l’inconscience des décisions politiques à court-terme, la planète, elle, ne peut qu’essayer, avec ou - pour nos chers collapsologues - sans succès d’y survivre. Nous sommes entrés dans un monde dérégulé, livré à une dynamique illimitée, où l'escalade paroxystique du "toujours plus" s'est immiscée dans toutes les ambitions. Cette hypermodernité se reflète comme dans un miroir dans l’acier des satellites, et est décrite dans leurs clichés. C’est le « Présent Liquide » de Zygmunt Bauman capturé en un instant.


Dans le contexte actuel de crise environnementale alarmante, ces oiseaux spatiaux prennent leur rôle très au sérieux. Les satellites sont de véritables sentinelles du climat. Ils sont équipés d’un instrument qui permet de cartographier les zones les plus émettrices de gaz à effet de serre, permettant d'obliger les pays à tenir leurs promesses de la COP 21. L'épisode dramatique du coronavirus qui a entraîné un confinement général de la population européenne en 2020 a permis de révéler un aspect plus singulier des conséquences du COVID-19 : ses effets sur la pollution atmosphérique en Europe et dans le monde. Des satellites d'observation ont relevé une nette diminution des émissions polluantes. En 2020, l’eau des canaux sur lesquels repose la sérénissime Venise est redevenue limpide, reprenant ses droits sur le flot incessant de touristes et les gondoles désormais à quai. La cité des Doges semble respirer à nouveau, des dauphins ont même été aperçus se laisser aller au rythme des vagues de l’Adriatique dans le port de Cagliari. Cette conséquence positive de la crise sanitaire nous est parvenue grâce à la vision infaillible des satellites. Ceux-ci sont utilisés au quotidien pour inventorier, surveiller et protéger les ressources de notre planète. Ils surveillent également la déforestation en Amérique Latine. L’imagerie satellite montre la progression de la déforestation et permet ainsi d'alerter les organisations internationales et les Etats qui coopèrent pour la protection de l'environnement. Saviez-vous que l’exploitation des mines d'or est une des activités les plus destructrices qui contribuent à la dégradation des forêts ?


Les satellites et leur puissante résolution peuvent aider à protéger les environnements les plus vulnérables. L’or que constituent vos plus beaux bijoux viennent de mines de production, mais la plupart d'entre nous ne savons pas vraiment où ce bel or est produit et d'où il vient. Toujours est-il que cette ruée vers l’or outrepasse les siècles et détruit considérablement l’environnement, mais aussi les communautés indigènes d’Amérique Latine qui vivent dans les forêts. Nous pouvons affirmer cela après les images de mines d'or en Equateur prises par des satellites d’Airbus Defence and Space (spot 6 et spot 7, respectivement en 2014 et en 2021). Cela démontre combien les programmes satellites sont puissants en haute résolution d'image et peuvent jouer un rôle clé dans la protection des environnements les plus vulnérables. Les satellites et leurs images traduisent le monde tel qu'il est aujourd'hui. Ils retranscrivent de manière brute et efficace les effets de la technique humaine sur la nature et permettent de dénoncer la tradition hypermoderne. Si Descartes affirme que l'homme doit cesser d'être esclave de la nature, il précise qu'il ne faut pas non plus prôner la domination agressive de celle-ci. Grâce aux images satellites, il est possible d'alarmer de manière scientifique et avec des preuves visuelles la population de la vulnérabilité de l'environnement et des conséquences inéluctables que nous faisons courir à notre chère planète Terre.


Alors les Hommes désormais n’ont qu’à bien se tenir, c’est la leçon des satellites. Car si les murs ont des oreilles, l'espace à bien plus d’yeux.



Manon Dubernard Fernandez


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