Coupe du monde au Qatar ou recherche de la frontière entre sport et politique
Hier s’ouvrait la Coupe mondiale de football, et déjà, des personnalités se sont levées pour son boycott. Shakira, Dua Lipa, mais aussi Rod Stewart se disent contre son déroulement. Il en est de même pour de nombreuses villes et bars qui ont décidé d’annuler sa diffusion. Mais pourquoi le Qatar fait-il autant débat ?
Ce qu’il faut d’abord noter, c’est que le Qatar n’est pas réputé pour être un pays des droits de l’homme. Les droits des travailleurs sont très mal munis, malgré de récents efforts du Qatar, poussé par la communauté internationale. Si les travailleurs ont peu de droits, c’est notamment parce que la situation des ouvriers n’est pas toujours légale. Le réchauffement climatique a rendu les conditions de vie très difficiles dans de nombreux pays et des millions de personnes se sont retrouvés à immigrer. Les pays du Golfe apparaissent alors comme une solution pour gagner de l’argent. Considérés comme les nouvelles puissances émergeantes, ces pays se sont enrichis par l’exploitation du pétrole et tendent depuis à s’urbaniser, et donc à embaucher beaucoup de manœuvre. Mais l’épineuse situation des migrants étrangers est connue de tous. Les entreprises du Qatar savent donc que ces hommes du Népal, Pakistan, Inde, Bangladesh ou encore du Sri-Lanka, n’ont d’autres choix que d’accepter des conditions de travail difficiles. Leur situation a été révélée par plusieurs ONG : logement insalubre, condition de travail dangereuse voire mortelle, salaires ridicules et parfois non reçus, le pays est responsable d’une crise de la plus grande ampleur. Pour ces migrants, il est impossible de fuir. D’abord parce que certains ne voient pas d’autres moyens de subsistance, et ensuite parce que leurs passeports ont pu être confisqués par les employeurs. On comprend alors pourquoi des associations pour les droits humains se lèvent contre le déroulement de la compétition. En plus des répercussions que cela peut avoir sur la santé mentale des travailleurs, le décès de près de 6750 personnes aurait pu survenir sur les chantiers depuis 2010, selon une enquête de The Guardian. Au cœur du Moyen-Orient, où les températures peuvent parfois atteindre plus de 35°C degrés, il est risqué de travailler dehors. C’est pourtant ce qui est imposé aux ouvriers employés à la construction des stades. La solution serait alors de les disposer de technologies protectrices contre la chaleur, mais les organisateurs ne voient pas l’intérêt de dépenser de l’argent pour eux.
La chaleur pose un second problème. Il est à noter que ces constructions sont dédiées à la coupe du monde de foot ; et si les travailleurs font face à de haut risque en étant confrontés à la chaleur, il en est de même pour les joueurs. Toutefois, eux sont assurés de bénéficier d’un confort. L’ensemble des stades (pourtant à ciel-ouverts) et des hôtels a été pourvu de puissants climatiseurs. Devant fonctionner à pleine puissance pendant 30 jours, on peut légitimement se demander quel impact cela aura sur notre environnement. La question du choix de la localisation se poser alors, un pays aussi chaud et désertique que le Qatar ne semblant pas être la meilleure idée pour la tenue d’une compétition sportive. Une nouvelle fois, les pays les plus riches jouissant d’un confort au détriment des autres du pays du globe, qui subiront de plein fouet les conséquences de ces actes.
Mais si tout semble avoir été fait dans le sens des ressortissants étrangers, cela n’est que finalement peu le cas. Ces derniers, tout comme les habitants du Qatar, sont soumis aux règles du pays. Ainsi, l’alcool a été formellement interdit dans les stades. Mais surtout, les relations homosexuelles l’ont été, et ce partout dans le pays. L’organisation d' une compétition mondiale de cette ampleur est une chance que beaucoup de pays cherchent à obtenir. Rapportant beaucoup d’argent, l’organisation de la coupe du monde de foot est alors un moyen de montrer sa puissance et sa modernité. Mais alors pourquoi choisir un pays comme le Qatar dont l’homosexualité est passible de peine de mort ? Ce pays semble bafouer les droits humains alors que la décision de le laisser organiser la coupe apparaît comme une récompense. Des enquêtes ont été menés pour répondre à cette question et des affaires de corruption et de marchandages d’avions militaires français, sont des pistes à sa réponse.
Jeudi, Emmanuel Macron s’exprimait pour dire qu’il ne fallait pas politiser les compétitions. Mais avec la victoire de l'Ukraine à l'Eurovision ou la participation de la Palestine à la prochaine Coupe d’Asie, on peut se demander si celles-ci n’ont pas toujours plus ou moins une dimension stratégique. Le sport fait partie intégrante du soft power, de l’exposition de la puissance symbolique et culturelle d’un Etat. Le visionnage de cette compétition divise encore les supporters, partagés entre passion pour le foot et engagement humanitaire. Quoi qu’il en soit, la compétition aura bien lieu, au détriment des victimes des chantiers, de l’environnement et des populations LGBT arabes et internationales.
Anna Raqbi
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