NDLR : Cet article a été rédigé avant la conférence d’Osez le Féminisme et Let’s Talk.
« Je ne sais pas comment te dire, j’aurais peur de tout foutre en l’air. » Derrière les paroles fluettes d’une chanson de Joyce Jonathan, peut parfois se cacher une vérité difficile à imaginer. Après le scandale Weinstein, la parole des femmes particulièrement s’est peu à peu libérée. Entre le viol et le consentement, ne pas dire oui mais ne pas dire non ; qu’est-ce que la zone grise du consentement ?
© Manon Pascaud
D’abord, il faut savoir que la zone grise du consentement est un concept flou, pour lequel nous n’avons qu’une ébauche de définition.
Il s’agirait en fait d’un rapport sexuel forcé, qui se passe généralement avec un proche sans cri, sans violence ; mais qui n’est pas consenti par les deux partenaires. L’un est mal à l’aise, il dit « non » mais ne se défend pas ou peu. Comme si le « je ne veux pas » n’était pas dit. La victime n’a pas dit non, mais elle n’a pas explicitement accepté.
Pour beaucoup cependant, le terme de « zone grise » n’existe pas. « Si on ne veut pas, on repousse, ce n’est pas compliqué. » Pourtant, nombreux sont les femmes et hommes qui n’osent pas repousser l’autre.
« En seconde, je suis sortie avec un garçon. Lorsque nous nous sommes séparés, je suis restée amie avec ses fréquentations. J’étais la seule personne du groupe à ne jamais avoir eu de relations sexuelles dans ‘notre team’. Un jour, une copine m’a confiée qu’un de nos amis me trouvait disons ‘attirante’. Une semaine avant une soirée programmée avec cette bande de potes, ce garçon a commencé à m’envoyer des snaps. Il me racontait que la soirée allait être ‘Bagdad comme jaja’, et il a ajouté que je serais sûrement gênée si je me retrouvais nue avec lui. Il m’a aussi demandé si cela me tentait. J’en ai conclu qu’il voulait coucher avec moi et lui ai répondu que je ne pouvais pas lui dire oui ou même non car de toute façon ces choses-là ne se commandaient pas. Le soir de la soirée j’ai bu, beaucoup. On s’est rapproché, on s’est embrassé puis j’ai dit que j’étais trop morte pour continuer la soirée et que j’allais me coucher. Il m’a accompagnée, une fois dans la chambre on s’est déshabillé et on a couché ensemble. Je n’ai quasiment pas de souvenir de cette nuit. Tout ce que je sais c’est que le lendemain j’ai senti une douleur, non pas seulement physique mais mentale. Je trouvais que quelque chose clochait. En y repensant je n’étais pas moi-même, ce soir-là en raison de l’alcool. Je ne peux pas dire non plus que je n’étais pas consentante, ce n’était pas un viol mais ce n’était pas une relation sexuelle pleinement consentie due à mon état second. Je pense que l’expression « zone grise » permet de mettre un mot sur cette relation. Ce que je peux dire, c’est que je ne considère pas ‘ce truc’ comme ma première fois. Et je regrette de ne pas avoir pu dire non.»
Comment l’éviter ?
En 2018, E. Macron a lancé en France le projet d’une loi sur le consentement sexuel. Alors que l’âge de la majorité sexuel était de 15 ans dans les mœurs, il sera maintenant écrit dans la loi. Cette décision fait suite à l’agression d’une fillette de 11 ans par un homme de 28 ans et la décision du parquet de qualifier cet acte non pas de viol mais d’atteinte sexuelle sur mineur.
Un mineur est-il en capacité de dire oui ou non à un adulte plus âgé ? Ce scandale a retourné les esprits. Ainsi, le gouvernement en place propose une nouvelle loi : en dessous de 15 ans, toute relation sexuelle avec un majeur sera qualifiée d’agression sexuelle s’il n’y a pas pénétration et de viol s’il y a. L’agresseur sera passible de prison ainsi que d’une amende. Aujourd’hui, la sentence pour une agression sexuelle est de cinq ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende.
Le projet de loi présenté récemment comprend également le prolongement du délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs, passant de 20 à 30 ans pour porter plainte. Il prévoit également une verbalisation en cas de harcèlement de rue.
Afin de prévenir ce genre de comportement, l’Université de Bordeaux a lancé une campagne de mobilisation.
Lien de la vidéo de mobilisation : https://youtu.be/HSzqASpmEWA
La place de l’agresseur
Dans ce genre de situation, il est commun que « l’agresseur » ne prenne pas conscience de son comportement à l’instant T. Dans un premier temps, du fait de la définition « floue » de ce qu’est la zone grise, la prise de conscience de l’acte par l’agresseur ne semble pas si évidente. Il est même commun que les victimes elles-mêmes ne réalisent pas vraiment ce qu’il leur est arrivé avant d’en discuter ou d’entendre parler de cette zone grise du consentement sexuel. De plus, il est vrai que pour la plupart des responsables, « c’est difficile de s’avouer qu’on ait pu faire ça », et il faut être capable de l’assumer derrière.
Les différents témoignages des hommes ou des femmes ayant franchi cette zone grise reflètent souvent un sentiment d’incompréhension d’abord, avant de réellement prendre conscience d’un comportement plus qu’anormal.
Nous avons recueilli le témoignage d’un jeune homme ayant préféré resté anonyme. Il nous explique qu’il lui est déjà arrivé de se comporter de manière vraiment très insistante avec son ex petite-amie jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il voulait. Avec du recul et quelques années de plus, il se confie :
« J'estime avoir été dans cette zone grise, voire même plus car ne me suis pas posé la question de son consentement à ce moment-là », admet-il. « C’était purement égoïste, centré sur mon plaisir. »
D’où l’importance de prendre en considération les désirs et le comportement de notre partenaire lors de l’acte. Même si la personne ne dit pas « non » clairement, il y a plein d’indices qui peuvent nous orienter sur sa volonté ou non d’aller plus loin. Le langage non-verbal et notamment le langage corporel doivent être considérés. Et si tout ça ne suffit pas, la meilleure façon de savoir, c’est de demander.
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