Nous sommes le 5 octobre 2021, l’élection présidentielle a lieu dans 6 mois. Les dimanches 10 et 24 avril 2022 les Français seront appelés aux urnes pour élire le nouveau président de la cinquième République. A six mois de ce moment démocratique majeur de la vie politique française, rien n’est fait. La rentrée politique est faite de rebondissements depuis septembre. Cette nouvelle série qu’on pourrait appeler « Élysée 2022 » est dense et difficile à prévoir. C’est pour cela que je vais faire avec vous un point politique à plusieurs mois de l’élection. Nous verrons quelles sont les forces en présence, les candidats, les favoris et ce que nous disent nos amis les sondeurs.
A six mois de la présidentielle, je me concentrerais dans cet article sur les candidats réunissant le plus de voix. Il s’agit des candidats pour les partis : La France Insoumise (LFI), Le Parti Socialiste (PS), Europe Écologie les Verts (EELV), La République en Marche (LREM), Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN). Cependant, cette dernière décennie politique est marquée par une volonté de dépasser les clivages (gauche & droite) mais aussi de sortir de la logique des partis. Ainsi, certains personnages doivent être pris en compte bien qu’ils ne soient pas réellement encartés. Évidemment vous pensez à Éric Zemmour mais il est également nécessaire de parler de Xavier Bertrand, de Valérie Pécresse, d’Arnaud Montebourg et d’Édouard Philippe.
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Commençons par la gauche, enfin la gauche de la gauche. Jean-Luc Mélenchon s’est déclaré candidat depuis plusieurs mois. Malgré cela, il peine à s’imposer parmi les favoris pour 2022. Il représente certes le candidat le plus crédible de la gauche mais il peut difficilement espérer le même score qu’en 2017 (19,58% des voix au premier tour). Son débat face à Zemmour ne l’a pas montré comme présidentiable, il est resté très idéologue ; manquant souvent de pragmatisme. L’ancien ministre est donné à 9% dans les derniers sondages.
Chez les écologistes, une primaire a eu lieu pour désigner le candidat. Au premier tour, cinq candidats étaient présents : Sandrine Rousseau, Éric Piolle, Delphine Batho, Yannick Jadot et Jean Marc Governatori. Yannick Jadot et Sandrine Rousseau sont arrivés en tête du premier tour avec respectivement 27% et 25% des voix. Au second tour le député européen l’a emporté face à l’éco féministe Sandrine Rousseau (respectivement 51% et 48% des voix). Le nouveau candidat des verts a tenu à souligner plusieurs fois qu’il serait candidat jusqu’au bout et que son parti ne se retirerait pas au profit d’un autre (comme ça a pu être le cas en 2017). Yannick Jadot a par la suite affirmé qu’il venait pour gagner : « On ne vient pas pour témoigner, on vient pour gagner ». Sur les derniers sondages, le candidat EELV dispose de 9% des intentions de votes, soit autant que Jean-Luc Mélenchon.
Au PS, Anne Hidalgo a été une candidate investie. La question d'une primaire s'était posée, avec notamment Arnaud Montebourg, mais le parti de Mitterrand a choisi de ne pas refaire de primaire, considérant que c’est à cause de celle-ci qu’il a chuté en 2017. Depuis, le PS n’arrive pas réellement à convaincre, il semble que la part libérale (centre gauche) de son électorat se soit déplacée vers Emmanuel Macron, alors qu’une autre part s’est dirigée vers EELV, qu’ils jugent plus à même de répondre aux problèmes climatiques. Anne Hidalgo stagne aujourd’hui à 5,5% dans les sondages faisant d’elle la candidate la plus faible de gauche.
Emmanuel Macron n’a toujours pas annoncé sa candidature. Il semble pourtant être en campagne depuis plusieurs mois. Le gouvernement et les ministres défendent son bilan depuis la rentrée, évoquant les difficultés de réformer avec le COVID-19. Le président de la République devrait a priori se représenter, la question étant davantage de savoir quand il l’annoncera. Dans son entourage proche, deux solutions sont à l’étude : une où il s’annoncerait juste avant les vacances de Noël, permettant ainsi d’être au cœur des débats lors des fêtes de fin d’année. L’autre où il attendrait le mois de février, en prônant pour le moment de rester « concentré jusqu’au bout sur sa mission de président ». Le jeune président pourrait ne pas se représenter avec l’étiquette ‘LREM’ invoquant une volonté de rassembler plus largement. Il semble ici important de souligner que le président est particulièrement haut dans les sondages (42% d’opinions favorables mi-septembre). Aux mêmes moments, François Hollande était à 4% (en octobre 2016 ; source : les Echos, 25/10/2016) & Nicolas Sarkozy à 31% (en octobre 2011 ; source : Le Figaro, 23/10/2011). Quant aux sondages pour la présidentielle de 2022, Macron est crédité de 24% des intentions de votes au premier tour. Enfin, son ancien premier ministre Edouard Philippe lance son nouveau parti samedi 9 octobre et a par ailleurs indiqué qu’il soutiendrait le Président actuel.
A droite, les adhérents des Républicains ont choisi il y a deux semaines d’élire leur candidat lors d’un congrès (primaire fermée). Les candidats ont jusqu’au 13 octobre pour déposer leurs candidatures. Pour le moment Valérie Pécresse, Michel Barnier, Éric Ciotti et Philippe Juvin seront candidats à ce congrès. Le favori pour cette primaire fermée est Michel Barnier. A cette heure, Xavier Bertrand ne s’est pas encore exprimé. Le président des Hauts-de-France est l’un des élements-clés de cette présidentielle. S’il venait à être le candidat de la droite modérée, Xavier Bertrand disposerait aujourd’hui de 14% des intentions de votes. Cependant, Valérie Pécresse semble bien placée pour ce congrès et ferait quant à elle 10% des intentions de vote (en l’absence de Bertrand).
S’il a longtemps été question d’un candidat surprise, plusieurs personnages ont été évoqués. De Didier Raoult à Cyril Hanouna en passant par Jean-Marie Bigard, le candidat surprise semblerait plus sérieux que prévu mais d’avantage clivant. En effet, Éric Zemmour ; qui disposait de 5% des intentions de votes au début de l’été ; disposerait aujourd’hui de 15%. Le candidat d’une extrême droite qui ne dit pas nom ; multiplie les prises de paroles télévisées depuis qu’il a quitté CNews, à la suite de la décision du CSA de limiter son temps de parole. Certains politologues appellent cependant à la prudence, évoquant une potentielle bulle médiatique ou « effet Zemmour » qui pourrait exploser cet hiver. En attendant, le "Z" comme il est maintenant appelé, multiplie les prises de paroles et « conférences » aux allures de meeting. Éric Zemmour réfléchirait à s’annoncer dans les prochaines semaines mais dispose pour le moment de l’avantage de ne pas être « officiellement candidat ».
Enfin la droite de la droite, autrement dit le RN, a déjà investie Marine Le Pen comme candidate. La fille de JM Le Pen souffre cependant de la montée en puissance d’Éric Zemmour, passant de 25% d’intentions de votes au début de l’été à 16% aujourd’hui. Elle paye surement sa dédiabolisation, laissant à Éric Zemmour la réelle place de candidat d’extrême droite.
Voilà pour l’état des lieux des grands partis et des principaux candidats, je tiens cependant à rappeler que d’autres candidats n’ont pas été mentionnés dans cet article. C’est le cas de Philippe Poutou (1% des intentions de votes), de Nathalie Arthaud (1%), de Fabien Roussel (1,5%), de Jean Lassalle (1%) et de Nicolas Dupond-Aignan (1,5%).
Pour le moment Emmanuel Macron devrait être a priori présent au second tour. Cependant, il s’agit de sondage qui ne représentent que les intentions de votes des Français à l’heure actuelle. Les choses changent extrêmement vites (il suffit de voir la montée en flèche de Zemmour). Il reste encore 6 mois d’ici la présidentielle et rien n’est joué d’avance. L’usage des sondages est nécessaire, mais il faut les apprécier avec prudence et sans en abuser. Il s’agit de chiffres scientifiques, qui semblent fondamentaux pour étudier une science comme la politique. Ils permettent de vérifier une réalité à un moment T mais ne sont en rien des prévisions.
Pour le moment, le paysage politique reste donc flou. Emmanuel Macron est l’actuel favori pour cette élection (il est important de rappeler qu’aucun président n’a été réélu durant la cinquième république hors cohabitation). La question actuelle serait plus de savoir quel candidat de droite sera au second tour face à Emmanuel Macron ; qui d’Éric Zemmour, de Valérie Pécresse, de Xavier Bertrand et de Marine Le Pen ? La gauche semble avoir un travail important devant elle pour revenir pleinement dans l’arène politique et s’imposer à nouveau comme une alternative crédible.
Cependant, la présence d’Éric Zemmour a une conséquence importante. Le polémiste permet une redistribution complète des voix. Si la barre pour accéder au second tour en son absence se positionnait autour de 21%/22% des suffrages exprimés (chiffre que Marine Le Pen atteignait il y a encore quelques mois) sa présence change complètement la donne. En imaginant Emmanuel Macron passer au second tour avec 24% des voix, le second candidat n’aurait en l’état actuel des choses qu’une quinzaine de % des voix. Ainsi, tout est encore possible pour le deuxième candidat qui accèdera au second tour puisqu’ils sont plusieurs à tourner autour de 14%/15%/16% des intentions de votes. Ajoutons aussi qu’il ne faut pas crier défaite trop vite à gauche. Si Yannick Jadot & Anne Hidalgo ont l’intelligence politique de se réunir ils rassembleraient 14% des intentions de votes et candidateraient à une place au second tour.
Il paraîtrait intéressant d’étudier la « droitisation » de l’électorat. Aujourd’hui, 1/3 des électeurs compte voter pour l’extrême droite (Le Pen & Zemmour réunissent 31% des intentions de votes). Il faudrait ainsi se questionner sur ces partis d’origines fascistes dont les représentants politiques tiennent régulièrement des propos racistes, homophobes, sexistes… Il serait légitime de s'interroger sur la place d’Éric Zemmour dans l’espace publique, alors qu’il a déjà été condamné pour provocation à la discrimination raciale. J’aimerais finir cet article avec une phrase de Coluche qui a dit un jour : « Il y a quand même moins d’étrangers que de racistes en France ».
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