Métro, boulot, dodo. Voilà qu’en ce mardi 17 mars, cette routine s’est vue quelque peu chahutée après l’annonce des mesures de confinement par le gouvernement français. Et pour cause, le Covid-19, plus connu sous le nom de ‘coronavirus’, poursuit sa propagation en France et laisse craindre des conséquences dramatiques.
Retour chez papa et maman pour certains, cohabitation familiale forcée pour d’autre ou encore occupation d’un studio seul, le confinement bouscule nos habitudes et nous oblige à changer notre mode de vie. Il s’impose tel un imprévu avec lequel nous allons néanmoins devoir jongler quelques semaines. Jeux de société, appel vidéo, rangement du dressing, trie des photos, lecture, rattrapage des séries, session de cuisine ; les occupations ne manquent pas mais ne tardent pas à nous ennuyer. Notre hyperactivité quotidienne nous rattrape vite, ne rien faire n’a jamais été aussi difficile. Or, ce qui de prime à bord nous semble invivable, étouffant et sans fin, peut être vecteur d’espoir. Ce confinement est l’occasion de changer notre rapport au monde, à l’altérité, à la politique ou à la consommation. Cette parenthèse peut représenter un tournant duquel nous sortirons nouveaux. Un point dans l’humanité qui peut la changer à tout jamais.
En effet, notre rapport à l’altérité se trouve affecter par cette situation. Coupés de notre famille, de nos amis, de nos collègues et plus largement, d’une partie de nos interactions sociales, nous voilà bouleversés. Parallèlement, une certaine solidarité émerge : des professions sont mises en lumière, des chaines de solidarité se crées, le sort d’individus d’habitude laissés pour comble préoccupe désormais. Notre individualisme est mis à mal car sortir de cette crise ne se fera pas sans une prise de conscience collective. La prise de conscience que nous sommes tous embarqués dans une même aventure, celle de la vie, et que nous sommes tous dépendants les uns des autres. Au niveau étatique, les politiques doivent être coordonnées, si l’un des pays ne s’aligne pas avec les autres, c’est toutes les mesures prises qui sont mises à mal et vouées à perdurer, ou à échouer. Au niveau des individus, si certains décident de continuer à jouir de leurs libertés, c’est la population entière qui sera condamnée à subir leurs actes.
L’altruisme est ici à l’épreuve mais si celle-ci se déroule avec succès, alors nous en sortirons plus grands et prêts à affronter de nouveaux défis tel que « Le plus grand défi de l’humanité[1] » qu’est la crise écologique.
Notre rapport au vivant se retrouve également bouleversé. Le pangolin serait à l’origine du Covid-19 en ayant servi d’hôte entre la chauve-souris et l’Homme. Mammifère qui serait le plus menacé au monde par le braconnage en raison de son utilisation médicinale en Asie, le pangolin pourrait aujourd’hui être sauvé de l’extinction grâce au coronavirus. Drôle de situation non ? Le coronavirus apparait ici comme une vengeance de l’animal à l’Homme. L’ayant trop longtemps braconné, commercé de manière illégale, voilà que l’Homme se trouve rattrapé par ses démons. De quoi nous faire réfléchir sur notre rapport au vivant, sur ceux avec qui nous cohabitons, habituellement considérés comme des ressources à disposition pour assouvir notre cupidité.
Plus largement, le confinement qui a pris fin en Chine est révélateur de notre impact sur le monde. En janvier et février derniers, la concentration de dioxyde d’azote, un gaz extrêmement toxique émis par les véhicules et sites industriels, a chuté de 30 à 50% dans les grandes villes chinoises par rapport à 2019. Selon le centre de recherche sur l’énergie et la qualité de l’air, la Chine a réduit ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins un quart entre le 3 et 16 février. Économie au ralentie, industries à l’arrêt, les résultats ne se sont pas fait attendre. Avis aux climato-sceptiques : l’effet de l’Homme sur le dérèglement climatique n’est plus à prouver. Cette baisse drastique des émissions de gaz toxiques nous pousse à réfléchir sur notre rôle et notre place au sein de la planète terre. Désirons-nous poursuivre cette course folle à la croissance au dépit du bien-être planétaire ? Quel rôle souhaitons-nous exercer sur la terre ?
Notre modèle économique et politique se trouve également au centre de nombreuses réflexions. Je pense tout d’abord que la vitesse à laquelle s’est propagée le virus ainsi que sa portée géographique sont révélateurs des caractéristiques du monde dans lequel nous vivons. La mondialisation est évidente, nous vivons dans un monde interconnecté où nos déplacements sont libres et incessants. Cependant, l’avancée du virus n’a pu être arrêtée aux frontières du pays hôte, bien au contraire. La situation à échappée aux autorités mondiales et a témoignée du difficile contrôle de nos mouvements. La mondialisation serait-elle devenue hors de contrôle ? La situation est-elle en train d’échapper à toute autorité ?
Les nombreuses pénuries de masques nous invitent à nous questionner sur la délocalisation. Aujourd’hui, en France, 70% des masques sont produits en Chine. Pays extrêmement touché par le Covid-19, ses sites de production ont été impactés ce qui a évidemment ralenti l’approvisionnement de la France en équipement médical. Cette crise nous invite ainsi à repenser notre modèle économique. Est-il normal que des produits aussi importants soient fabriqués à l’étranger, nous rendant ainsi dépendent d’autres pays en période d’urgence sanitaire ? Est-il souhaitable de favoriser le faible coût économique pour tous les produits ? C’est lors de crises que nous nous rendons compte des faiblesses et des forces de nos modèles, qu’ils soient économiques, sociaux ou politiques. C’est donc le moment d’en tirer des conclusions et de laisser place au changement.
Le confinement fut brutal. Du jour au lendemain, voilà que nous sommes privés de certaines de nos libertés et notamment, la liberté de circulation. Nos déplacements sont restreints, contrôlés, susceptibles d’être verbalisés dans ce droit d’exception. Nous sommes un pays que beaucoup envient mais, rongés par l’individualisme, l’égocentrisme, nos libertés nous semblent acquises, universelles. Nous ne savons rester immobiles et les pouvoirs publics en font la terrible expérience, les obligeant à durcir les sanctions. Peuple assoiffé de liberté, nous en voilà privé. Rendons-nous compte de notre chance.
Cette période est également le moment de nous recentrer sur l’essentiel. C’est une pause dans le fracas quotidien durant lequel chaque minute est comptée, optimisée. Capitalisme oblige. Aujourd’hui, nous avons le temps. Le temps de se poser, de réfléchir, de s’occuper de soi, de ses proches, de faire ce que nous reportons habituellement au lendemain, bref, du temps propice à la réflexion. Il est temps de se reconnecter à l’essentiel. Il est temps de comprendre le sens de notre existence. De refuser une journée dictée par les heures, de refuser de faire quelque chose dont nous n’avons pas envie, d’enfin oser faire quelque chose de non productif mais qui nous rend néanmoins heureux. Il est temps de repenser sa hiérarchie des valeurs, des priorités et de prendre conscience du temps gaspillé. Les moments d’isolement sont rares, il faut les accepter et s’en servir pour faire le point. Pour redonner un sens, un objectif à notre présence ici-bas. Finalement, s’il y a bien une chose que je retiens de cette pandémie, c’est notre histoire commune. Nous sommes tous liés, embarqués dans une même aventure. L’individualisme n’y a plus sa place. Personne n’est intouchable, ni même un continent, un pays, ou un peuple. Nous avançons tous ensemble et les crises annoncées vont devoir être surmontées par tous. Cette crise, outre ses conséquences dramatiques, est une aubaine. Elle est une chance, un potentiel de prise de conscience. Elle va être révélatrice de notre capacité à surmonter les prochains défis. À nous d’écrire notre histoire commune.
[1] Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité, tribune publiée par Le Monde, 3 septembre 2018.
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