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Albane Dacre-Wright

Les programmes économiques de la présidentielle : retour sur la question du SMIC

En lien avec les récentes problématiques d’inflation et de pouvoir d’achat en France, la question du SMIC apparait comme un sujet central dans les programmes de la présidentielle. Dans tout le spectre politique, la hausse de ce salaire minimum interprofessionnel de croissance représente un positionnement économique de taille pour la campagne de 2022, et met en avant des enjeux sociaux et sociétaux plus larges.



Afin de comprendre ses implications, il semble nécessaire de revenir sur ses fondements. Il correspond au salaire horaire minimum légal pour une personne majeure en France (sauf Mayotte), et ce, quelque soit la forme de rémunération. Issu du SMIG (1952), adopté en 1970 et soumis à un régime unique depuis la loi Fillon (2002), il est indexé sur la hausse des prix et sur la hausse du salaire moyen. Il est nécessaire d’ajouter que celui-ci ne s’applique qu’au secteur privé ; le secteur public est soumis à l’Indice minimum de traitement (aligné au SMIC en janvier 2022). Depuis une dizaine d’années, le pourcentage de la population en bénéficiant varie entre 10 et 14%, et cible particulièrement certains secteurs, comme la restauration, la santé et l’action sociale, les activités de services, etc. (DARES). Cette répartition a d’ailleurs été remise au premier plan avec l’importance des ‘secondes lignes’ durant la pandémie (aides à domicile, caissier.e.s, milieu agricole). Par ailleurs, les minimas salariaux de plus de 40 branches restent inférieurs au SMIC (selon E. Borne, ministre du Travail). Cela est dû en partie à l’absence d’obligation de parvenir à un accord lors des négociations périodiques (par secteur), visant à compenser l’écart entre le minima de branche et le SMIC. Par conséquent, de nombreux secteurs restent au statu quo, et ce malgré l’obligation de l’employeur de combler l’écart (sous peine d’une amende de 1500 euros/salarié).



Le SMIC dans la campagne présidentielle

Depuis le 1er janvier 2022, le SMIC s’élève à 10,57 euros de l’heure, soit 1603,12 euros bruts par mois (équivalent à 35h hebdomadaires) ou environ 1269 euros net. Face aux problématiques de pouvoir d’achat et de condition de vie en France, l’ensemble des candidats le considère largement insuffisant. A gauche et à l’extrême gauche, tous s’accordent autour d’une augmentation claire du SMIC, variant entre 1400 euros (C. Taubira, J-L. Mélenchon) à 1500 euros net (F. Roussel). Y. Jadot fixe un objectif de 1500 euros pour la fin du quinquennat, ainsi qu’une augmentation générale des bas salaires. A l’opposé de la sphère politique, l’extrême droite soutient une certaine autonomie des entreprises, avec une hausse des salaires via la réduction de certaines charges sociales ou cotisations patronales (E. Zemmour, M. Le Pen). Enfin, V. Pécresse met en avant une augmentation générale de 3% en 2022, et de 10% des salaires nets et jusqu’à 2,2% du SMIC. E. Macron ne s’est quant à lui pas positionné.



Plusieurs modalités permettent une hausse du SMIC. Dans un premier temps, des revalorisations mécaniques existent, comme un alignement annuel du SMIC avec l’inflation au 1er janvier (0,9% cette année), ou un alignement ponctuel dans le cas d’une hausse généralisée des prix au cours de l’année (2,2% en octobre dernier). Cependant, ces rééquilibrages automatiques ne permettent en aucun cas d’atteindre les objectifs proposés par les candidats. Ceux-ci nécessiteraient donc l’emploi d’une autre méthode de revalorisation, plus politique, désigné comme un ‘coup de pouce’ du gouvernement et distinct de l’indice des prix.


Cependant, cette augmentation – à titre exceptionnel – du SMIC fait débat : aucune n’a été utilisée depuis 2012, et elle fut fortement décriée par le Comité d’expert du SMIC durant le dernier quinquennat. En effet, cela impliquerait un apport financier conséquent, s’appuyant soit sur les entreprises, soit sur l’état, qui prendrait en charge cette revalorisation (via la baisse de certaines charges, l’augmentation de la CSG, et un creusement des dépenses publiques).



L’augmentation du SMIC est-elle favorable ou défavorable à l’emploi ?

Une revalorisation du SMIC par les entreprises fait débat, notamment auprès des libéraux, mettant en avant d’importants risques compétitifs. Celle-ci pourrait fortement impacter le coût du travail et la productivité, contraignant certaines entreprises à adopter une politique de licenciement des actifs à compétence faible ou de délocalisation. Aussi, le rapport entre le salaire médian - 50% des français ont un salaire inférieur ou égal à 1940 euros nets (2019) - et le SMIC atteint environ 65% (parmi les plus hauts en Europe). Les entreprises n’ayant aucune obligation d’augmenter les salaires n’étant pas passés en dessous du minimum salarial, une hausse du SMIC soulève aussi l’argument du rétrécissement de la grille des salaires et de l’écart entre les actifs le touchant, et ceux plus qualifiés dont le salaire reste inchangé. Dans un contexte de pénurie de main d'œuvre, la question du SMIC provoque également des tensions de recrutement, pouvant donc marginaliser les actifs peu qualifiés (non rentables pour les entreprises), tout en encourageant certains à réintégrer le monde du travail (du fait d’une meilleure rémunération). Par conséquent, d’autres thématiques ont élargi le débat politique, revenant par exemple sur le choix de Macron d’aides ponctuelles (chèque énergie ou indemnité inflation). Des alternatives ont aussi été avancées, comme les primes d’activité, permettant de plus cibler les travailleurs pauvres en prenant en compte les foyers fiscaux, mais pouvant inciter les employeurs à ne pas augmenter les salaires des personnes en bénéficiant.



Ainsi, la hausse du SMIC se place dans une volonté politique de revaloriser les bas salaires. Malgré tout, il reste un critère économique, ne prenant pas en compte d’autres questions importantes, telles que les heures de travail trop faibles (chômage, temps partiel) ou les configurations familiales à risque (parent célibataire etc.) ne permettant pas une rémunération adaptée.

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