top of page
Marie Sirven

Les mères célibataires par choix

Faire un enfant seule : réflexion sur les mères célibataires par choix avec l’auteure du récit autobiographique « Si je veux », Johanna Luyssen.


La publication de Si je veux en février 2022 permet de repenser et d'éclairer la place des mères célibataires dans la société. Comme la majorité des familles monoparentales sont des femmes, Johanna Luyssen utilise plus le terme de « mères célibataires » sans oublier qu’il existe également des pères célibataires. Elle met en lumières ces femmes presque invisibles : les mères célibataires par choix ou subies (divorce, séparation). Les deux existent et ne sont pas considérées par les politiques.


Journaliste à Causette puis cheffe adjointe au service société dans le journal « Libération », Johanna Luyssen a décidé de faire un enfant seule. Elle est mère d’une petite fille. Son choix de parentalité n’a rien à voir avec l’idée de se débarrasser des hommes. Justement, le choix de faire un enfant seule signifie la possibilité pour une femme de faire ce qu’elle souhaite avec son désir de faire un enfant. La femme peut décider de faire un enfant ou de ne pas en faire.


Ainsi, l’auteur renverse l’idée de l’âme sœur : une femme célibataire n’est pas une condamnation, ce n’est pas parce qu’elle n’a pas trouvé la « bonne personne » qu’elle doit écarter (si elle en a un, pas toutes les femmes en ont un) son désir d’enfant. Une femme peut faire un enfant, elle a cette possibilité. Johanna Luyssen brise le modèle traditionnel des familles nucléaires hétérosexuels. La journaliste propose par son œuvre, une continuité du féminisme, le choix de faire un enfant ou non reste une possibilité. Elle espère que le désir d’enfant est une concordance entre le corps et la raison.


Crédit Photo : France Culture


Repenser le concept de 'famille'

L’auteure n’exclut absolument pas l’idée pour sa fille d’avoir dans le futur, une présence d’un père ou d’une mère. Johanna Luyssen explique ainsi que le lien biologique est secondaire. Dans le cas de sa fille, son père biologique est uniquement le père biologique c’est-à-dire le donneur. Il s’agit d’un accord conjoint des différentes implications pour la parentalité. Pourtant, les mères célibataires subissent de nombreux stigmates, elles ne sont pas considérées normativement parlant comme formant une famille. Lors d’une interview sur France Culture, dans la « Grande Tables Idées » Johanna retrace les différents commentaires désobligeants qu’elle a reçu par exemple avec des pédiatres où elle a été traitée d’« égoïste » ou encore de « cas social ».

Les mères célibataires sont souvent perçues comme des victimes, des accidents de la vie, leurs vies ne sont jamais enviables. Pourtant ces femmes existent, certaines ont subi cette situation, d’autres l’ont voulue.

Dans le récit Si je veux, Johanna renverse l’idée d’égoïsme qui lui a été reprochée. Contrairement à d’autres, l’auteure s’est véritablement demandée si elle voulait un enfant. Cette question est fondamentale et devrait être plus discutée. Avant la contraception, des familles acceptaient leurs enfants mais grâce à la contraception, les femmes peuvent choisir et c’est le cas de la journaliste : elle a choisi cet enfant. Accepter c’est différent de choisir.



Les mères célibataires doivent devenir des sujets politiques

La Collective de femmes isolées a publié une tribune en septembre 2021 dans le journal Libération : « Pour un statut de mère isolée, vite ! ». Ces mères célibataires insistent sur le fait que : « l’absence de prise en compte de la monoparentalité tend à aggraver les inégalités entre les femmes et les hommes ». En effet, ces mères n’ayant pas de véritable statut et qui sont nombreuses ne peuvent bénéficier d’aides bien coordonnés et spécifiques. Johanna déplore qu’il n’existe pas de système de prise en charge au niveau national sauf pour les impôts sur le revenu qui déduisent les pensions alimentaires et peuvent ainsi aider la situation financière de ces femmes. Heureusement, des mouvements à l’échelle locale apparaissent. En Ariège par exemple, une résidence destinée aux mères célibataires a été créée. La Maison des Cimes permet aux femmes de mutualiser des aides et de se soutenir.

Les politiques peuvent et doivent agir mais pour cela, elles doivent admettre que ces femmes sont une réalité, les rendant ainsi des sujets politiques.



La PMA permet de synchroniser 'l'horloge sociale' et 'l'horloge biologique'

La nouvelle loi relative à la bioéthique permet l’autoconservation des ovocytes (il s’agit de la « PMA pour toutes ». Cette loi permet de changer les manières de faire-famille et de concilier carrière professionnelle avec maternité. Pour Johanna Luyssen cette avancée permet aux femmes de s’insérer professionnellement, de trouver une certaine stabilité sans s’inquiéter de devoir concevoir un enfant « à temps ». Ainsi, une femme peut être prête à avoir un enfant et ne pas devoir choisir entre sa stabilité professionnelle et sa fertilité. La journaliste de France Culture, Olivia Gesbert insiste sur le décalage des deux horloges avant l’instauration de la PMA pour toutes.


Crédit Photo : couverture du roman Si je veux, Edition Grasset



Revendication de faire un enfant seule

Dans Le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir inscrit la volonté dans le désir d’un enfant : « la fonction reproductrice n’est plus commandée par le hasard biologique, elle est commandée par des volontés ».

Le récit Si je veux est dans la continuité du féminisme. Johanna revendique son statut de mère célibataire et souhaite renverser les stigmates associés à ces femmes cachées.

Pour Johanna Luyssen, vouloir un enfant seule est dans le prolongement du combat d’égalité homme-femme, il est possible de vouloir ou ne pas avoir un enfant. Les femmes ont le droit de décider, elles ont le choix : vouloir ou pas.

Lors de l’interview à France Culture du mardi 31 janvier 2022, l’auteure déconstruit les commentaires de la philosophe Sylviane Againski opposée à la PMA prononcés aussi sur France Culture en 2019. Pour cette philosophe, les enfants vont « demander des comptes » au parent ou à leurs parents qui ne forment pas des familles traditionnelles. Mme Agacinski ajoute qu’il y a des « inégalités entre les enfants fabriqués et les enfants conçus par deux personnes ».

Johanna rétorque que la demande de « comptes » est plus en lien avec la révélation de secrets de famille par exemple. Pour elle, les parents d’enfants nés grâce à la PMA ou de parents célibataires peuvent très facilement expliquer à leurs enfants comment ils ont été conçus. L’instauration d’un dialogue sans tabou permet l’épanouissement de l’enfant. Johanna dit qu’il s’agit « de la conjonction de deux personnes qui ont accepté de faire un enfant ensemble ». Elle n’a pas eu recours à la PMA pour son enfant mais c’est aussi ce qu’elle lui dit. « Le donneur accepte de donner, la personne qui reçoit l’insémination a voulu le faire », il s’agit d’un « accord conjoint ». Les modalités de parentalité changent selon les familles.



Et si les hommes disaient aussi 'si je veux' : la question de l'égalité

Sur France Culture, Olivia Gesbert demande comment les hommes peuvent revendiquer ce désir d’enfant ? Pour Johanna Luyssen, les hommes ont tout à gagner de cette forme de parentalité. Il existe en France cette glorification de la figure centrale du père dans la famille. Le père est même qualifié dans le Code Civil de « puissance paternelle ». Pourtant, nombreux sont ceux qui n’endossent pas la responsabilité de père en délaissant leurs implications. Cependant, avec les nouvelles formes de « faire-famille », les termes de parentalités sont plus clairs et souples. En effet, les hommes et les femmes ont tout à gagner. (Je précise que les formes de parentalité sont multiples et que les pères célibataires existent.) Cet effet d’élucidation sur les termes d’implication de parentalités est en lien avec le choix. Comme pour les femmes, un homme peut choisir son degré d’investissement dans la parentalité. Johanna écrit ainsi : « Je pourrais tomber amoureuse de quelqu’un qui n’a pas envie de faire un enfant, mais qui aimera le mien, comme il le peut. ». Elle aborde ainsi les sites de coparentalités où des personnes peuvent décider de leur implication : implication financière ou pas, implication quotidienne ou pas et j’en passe. Les hommes comme les femmes peuvent choisir. Cependant, comme la GPA est illégale en France cela n’est pas tout à fait possible. L’auteure de Si je veux ne s’opposant pas à la GPA explique la paralysie du débat par des crispations idéologiques.


L’essai Si je veux paraitra ce mercredi 2 février chez Grasset.


(cet article fut inspiré de l’interview du 31/01/2022 sur France culture, « la Grande Table Idées » ayant reçu comme invité Johanna Luyssen)


28 vues0 commentaire

Comments


bottom of page