Nous ne sommes qu’au début de la campagne présidentielle et pourtant de nombreux premiers meetings de campagne ont déjà fait sensation. N’en déplaisent à certains nous nous devons de nommer celui d’Éric Zemmour qui a regroupé plus de 15 000 personnes à Villepinte ou encore le meeting interactif et immersif de Jean-Luc Mélenchon, ce dimanche 16 janvier qui a rassemblé 5 000 personnes.
Les meetings sont des outils essentiels aujourd’hui pour les candidats lors de leurs campagnes politiques mais ils doivent aussi se réinventer lorsque la crise sanitaire vient bousculer nos habitudes.
Mais alors, qu'est-ce que le meeting politique ?
Dans le dictionnaire, le meeting est une importante réunion publique organisée, à l'initiative d'un parti ou d'un syndicat pour débattre d'un sujet politique ou social.
Ainsi un meeting politique, c’est souvent cette idée de se rassembler entre les personnes qui partagent un même point de vue politique. Après il ne faut pas faire de généralités. Dans les meetings, il y a aussi des curieux, des gens qui ne partagent pas les mêmes opinions mais qui veulent savoir… Un meeting rassemble mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas une obligation ni un droit et encore moins un devoir.
La réunion politique reste tout de même une tradition française et un outil non négligeable pour les candidats à n’importe quelle élection.
L'importance des meetings
Dans un livre paru en 2020 et intitulé Meetings électoraux. Scènes et coulisses de la campagne présidentielle de 2017, la sociologue Claire Sécail explique que chez les politiques et leurs communicants, il existe une forte croyance concernant l’efficacité de ces réunions politiques. Ce sont des outils majeurs pour les équipes de campagne qui les transforment en sorte de démonstration de force avec de nombreux objectifs pour le candidat : rallier les militants en prouvant sa capacité à parler au plus de monde possible et rassembler aussi ses alliés et sa famille politique.
Il faut remonter l’histoire pour comprendre l’importance des meetings. Ils naissent de la conquête du droit de réunion, devenant légal le 30 juin 1881. A ce moment-là, ils sont plutôt organisés sous forme de débats, permettant la diffusion d’un idéal républicain.
Aujourd’hui, les meetings politiques sont rendus importants par leur forte médiatisation, rendue notamment possible dans les années 2000 par l’émergence des chaines d’information en continu. Les meetings des candidats ou plus généralement leurs discours sont généralisés et deviennent de véritables programmes télévisuels, comme l’analyse Claire Secail. Les partis politiques font même appel à de vrais professionnels de l’image pour toucher le plus grand monde à la télévision.
La fonction des meetings
Ainsi avec cette forte médiatisation, l’objectif devient simple pour les candidats ; il ne faut maintenant plus s’adresser seulement aux milliers de militants dans les salles mais aussi aux curieux et autres personnes hésitantes qui les observent derrière leurs écrans de télévision.
Chaque rassemblement est différent et ils ont chacun leurs fonctions, leurs rôles dans la campagne politique. Les meetings dits de lancement permettent de fabriquer « la structure présidentielle », selon les mots de Claire Sécail. Les meetings de conquête sont pensés et organisés pour confirmer l’ancrage électoral du candidat chez une certaine partie de la population, dans un bassin électoral. Quant aux meetings de combat, ils servent à mettre en scène un rapport de force avec un adversaire politique désigné.
Attention, ce ne sont pas les meetings politiques attirant le plus de monde qui permettent aux candidats d’avoir des voix lors des élections. Par exemple, Benoît Hamon, le candidat socialiste, pendant la campagne présidentielle de 2017 a rassemblé 15 à 20 000 personnes mais ne s’est pas qualifié au second tour.
Des choix pas si anodins
Dans un meeting politique, rien n’est laissé au hasard, le lieu, la communication, le son… Tout doit plaire et créer une atmosphère, une ambiance politique médiatique pour que le discours soit entendu et médiatisé le plus possible. La capacité d'accueil des lieux explique que Jacques Chirac remplit le Parc des Princes en avril 1981, que des lieux tels que les parcs des Expositions de la porte de Versailles ou de Villepinte ou celui du Bourget, le stade Vélodrome de Marseille, sont choisis par les candidats. Certains choix sont symboliques dans des villes qui font référence à l’histoire d’un parti politique comme les socialistes qui choisissent généralement de terminer leurs campagnes à Toulouse, la ville qui a dit « non » à De Gaulle en 1958 et qui a souvent voté à gauche.
Une passion française pour les meetings ?
Les candidats français ne sont pas les spécialistes du meeting politique, ce sont plutôt les Américains qui sont les maitres dans ce domaine. Par exemple, l’ancien président américain Donald Trump enchaînait 4 meetings par jour durant la dernière ligne droite de la campagne présidentielle en 2020. Au contraire, en Allemagne, ce sont les petites réunions publiques, peu spectaculaires qui sont préférées.
Cependant, aujourd’hui, avec une crise sanitaire qui n’en finit plus et une campagne présidentielle qui approche à grand pas, les candidats doivent repenser leurs rassemblements en fonction des restrictions et évidemment, chacun fait comme il l’entend.
Les meetings en période de Covid-19
Le 28 décembre, Jean Castex annonçait de nouvelles restrictions concernant notamment les lieux de spectacle, les évènements sportifs avec des jauges de 2 000 personnes en intérieur, mais qui ne s’appliquent pas aux meetings politiques, ce qui a fait grincer des dents les artistes, qualifiant alors leurs concerts de meetings politiques pour que ceux-ci ne soient pas annulés.
Jean Castex s’est justifié de ces mesures en disant que « les activités politiques et électorales sont soumises à des dispositions spécifiques dans notre droit constitutionnel, qui leur assurent une protection plus forte ». Pourquoi cela ?
Tout d’abord, le premier ministre français parle de la Constitution. En effet, l’article 58 de notre Constitution française stipule que c’est le Conseil Constitutionnel qui veille à la régularité de l’élection du président de la République, qui a donc lui accepté les propositions du gouvernement en termes de jauge, devant s’appliquer ou non aux meetings politiques. Dès le mois de mai 2020, celui-ci avait déjà décidé de ne pas demander aux organisateurs des réunions politiques, l’obligation de demander la passe sanitaire aux participants. Et en novembre 2021, lorsqu’il a fallu prolonger le pass sanitaire, le Conseil Constitutionnel avait une nouvelle fois validé l’échéance de juillet 2022 en répondant aux députés, sur la question du déroulement des élections présidentielles et législatives, que la présentation d’un pass sanitaire pouvait être exigé pour l’accès au bureau de vote ou à des réunions et autres activités politiques, mais que cette décision était laissée aux partis politiques.
Jauge ou pas jauge ? Pass ou pas pass ?
Comme le gouvernement ne se prononce pas quant aux règles sanitaires pour la campagne présidentielle, ce sont les candidats qui font comme bon leurs semble.
Ainsi, dans « un esprit de responsabilité », les responsables de la République en marche d’Emmanuel Macron, toujours pas candidat déclaré, ont annoncés qu’ils appliqueraient des jauges dans leur meetings.
A droite, Valérie Pécresse, candidate élue des Républicains, se veut « exemplaire » et appliquera les jauges tout en demandant le pass sanitaire pour les rassemblements de campagne, quels qu’ils soient. A gauche, chez Anne Hidalgo, c’est la même volonté.
Du côté des écologistes et de leur candidat sortant Yannick Jadot, les rassemblements se feront en petit comité, pour respecter la distanciation sociale. Ils privilégient avant tout une campagne politique numérique.
Chez Jean-Luc Mélenchon, le candidat « insoumis », il n’y aura pas de jauges applicables à ses meetings même s’il s’est engagé à distribuer des masques FFP2, tout comme le candidat communiste Fabien Roussel, qui demandera le pass sanitaire.
Chez l’extrême-droite, les équipes de campagne de Marine Le Pen ont annoncé qu’il n’y aurait pas de jauges pour ses meetings mais que les gestes barrières et la distanciation sociale seront appliqués. Toutefois, à cause de la situation de Covid-19, le grand meeting de lancement de « la dernière ligne droite de la campagne », initialement prévu le 15 janvier, a été décalé au 5 février à Reims.
Chez Éric Zemmour et son partir Reconquête, Olivier Ubéda, son directeur national des évènements a déclaré que « plus il y a de monde, mieux ce sera », rappelant également que le Conseil Constitutionnel n’imposait rien aux candidats en matière de protocole sanitaire. N'oublions pas non plus l’entrée en vigueur du pass vaccinal, dont la présentation ou non est laissée libre aux candidats pour leurs évènements politiques.
Les meetings politiques restent un outil essentiel dans toute campagne politique mais doivent se réinventer en cette période de pandémie mondiale.
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