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Le Canari

Les manifestants et leurs droits sont-ils en danger en France ?


Crédits : Boris Hovart, pour L'Express


Avez-vous peur de manifester de nos jours ? Alors que la liberté de manifester pacifiquement est garantie par le droit international, cette question est malheureusement d’actualité dans de nombreux pays, dont la France. Qu’ils soient confrontés à une violence disproportionnée ou à des arrestations injustifiées, les manifestants français ne paraissent plus être en sécurité et la confiance en la police et les institutions judicaires semble être brisée ou du moins en déclin.


À la fin de l’année 2018, un mouvement social s’apprête à bouleverser la vie politique et sociale des français, celui des Gilets Jaunes. Déterminés à lutter contre l’augmentation du prix du carburant issue de la hausse de la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE), les manifestants se comptent bientôt par milliers. Mais, rapidement, un engrenage des violences se met en place et les affrontements avec la police sont de plus en plus tendus.


Entre adrénaline et force des idéaux, sans oublier l’influence du groupe, les manifestations peuvent vite favoriser les débordements et donc l’usage de la violence que ce soit du côté des manifestants ou de la police.

Quand on a l’impression de ne pas être écouté, on veut se faire entendre ! Or s’imposer par la violence est souvent le moyen le plus rapidement efficace pour les manifestants car il impressionne et parfois même suscite de la peur.

Malheureusement cette ambiance de méfiance ne sert personne surtout lorsqu’elle est poussée à l’extrême comme ce fût le cas lors de la crise des Gilets Jaunes. Elle est à l’origine de certains drames qui questionnent grandement les limites de la liberté d’expression. On se souvient tous des 11 morts du côté des manifestants qui avaient choqué le pays. Beaucoup de ces décès sont des accidents sur la route à l’occasion des blocages de péages et de ronds-points. Concernant les blessés recensés, c’est-à-dire 2495 du côté des manifestants et 1994 du côté des forces de l’ordre, ils ne font que témoigner encore plus de l’extrême agressivité qu’ont suscité ces manifestations.


D’autre part, il existe une autre source de violence lors de ses rassemblements qui est notamment la raison principale de la présence d’un encadrement par les forces de l’ordre : les casseurs, black blocks et personnes mal intentionnées. En effet la foule créée par les manifestations est l’environnement parfait pour que ces personnes se fondent dans la masse et prospèrent dans leur entreprise de destruction et de désordre qui nuit à la cause défendue. Destruction de biens publics, dégradation du patrimoine à l’exemple de l’Arc de Triomphe pour les Gilets Jaunes, voitures brûlées, commerces pillés, … On ne compte plus les saccages qui ont découlés de ces manifestations.



Crédits : Pascal Pavani, pour RTL


Cependant si cela justifie la présence des CRS et d’un encadrement, cela ne légitime pas toujours leur usage, parfois abusif, de la force. En effet, s’il y a bien un sujet qui est mis au devant de la scène depuis quelques mois c’est celui des violences policières. Si ces violences ont fait réagir notamment par leur caractère raciste trop récurrent avec les noms tristement connus d’Adama Traoré ou de Georg Floyd, les abus de la police concernent toute la population et toutes les situations, dont les manifestations. En effet de nombreux témoignages de manifestants faisant partis des blessés cités précédemment permettent d’illustrer le danger encouru. Que ce soit des individus malmenés lors d’interpellations, ou à cause de l’usage de grenades et de flashball, on compte 82 blessés graves parmi les Gilets Jaunes. 60 personnes furent touchées à la tête par des tirs de flashball ce qui a entraîné dans une grande partie des cas la perte d’un œil. Par ailleurs même sans tenir compte des violences concrètes recensées, les plaintes concernant des interpellations injustifiées et un abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre sont tout aussi nombreuses.


Il est important néanmoins de rappeler que la police est aussi victime de cette violence comme le montre le nombre de blessés, et la méfiance grandissante envers les forces de l’ordre n’excuse pas les manifestants qui se sont montrés brutaux.

Il paraît ainsi juste de reconnaître les torts d’une partie des manifestants qui nuisent au bon déroulement des manifestations et donc aux idées défendues au même titre que les torts des CRS qui accumulent les épisodes violents et les abus dûs à leur position. Cependant on ne peut que soutenir le droit des manifestant à s’exprimer mais aussi le devoir des CRS à veiller à ce que leurs droits soient respectés.


Si de nombreuses voix se sont élevées contre le recours excessif à la violence par les forces de l’ordre, les manifestants ont été confrontés à un deuxième type de danger, bien moins visible et médiatisé : la criminalisation et l’utilisation abusive de la loi.


Tout d’abord que dit la législation ? D’après le droit international, le droit de manifester ne devrait pas être soumis à une autorisation préalable. Toutefois, il est admis que les États prennent des lois qui encadrent ce droit. C’est le cas de la France qui demande aux organisateurs de déclarer à l’avance les manifestations prévues sur la voie publique dans un délai compris entre 15 jours et 48 heures. Ainsi, alors que les manifestations publiques sont présumées légales, la loi française estime qu’une manifestation non-déclarée est illégale.


D’un autre côté, le droit à la liberté de réunion pacifique, après la déclaration préalable, peut faire l’objet de certaines restrictions mais dans des conditions très strictes. Une manifestation peut par exemple être interdite si les autorités estiment qu’elle met en danger un intérêt public tel que la sécurité des biens et des personnes ou l’exercice de certaines libertés par les autres citoyens. Cependant, cette estimation est subjective et peut être sujette à de nombreux abus car des craintes ou un risque théorique peuvent être considérés comme suffisants.


Ces dangers concernent l’organisation d’une manifestation, ce qu’il se passe avant. Mais qu’en est-il pendant le déroulement ?

Le 29 septembre 2020, Amnesty International a publié un rapport qui dénonce un système visant à « réprimer » des individus qui, souvent, n’ont pas commis d’infractions et qui sont « arrêtés arbitrairement » ou « victimes d’acharnement judiciaire ». L’ONG affirme qu’entre 2018 et 2019, plus de 40 000 personnes ont été condamnées pour divers infractions et délits « sur la base de lois vagues » qui amènent la justice à prononcer des sanctions « disproportionnées » contre des manifestants pacifiques. Selon les statistiques officielles, en 2019, 1 192 personnes ont été condamnées pour « regroupement en vue de participer à des violences », et cela « sur la base de simples soupçons » précise Marco Perolini, chercheur pour Amnesty International. Ce dernier a d’ailleurs affirmé qu’il y avait « une volonté politique de faire des exemples et dissuader les gens de descendre dans la rue ». Et cela est efficace car même si une arrestation n’aboutit pas toujours à des poursuites, le simple fait d’avoir passé des heures en garde à vue constitue une expérience traumatisante pour des manifestants qui hésitent à manifester de nouveau. Ainsi, peu à peu, le droit de manifester est réprimé et condamné ce qui met en danger nos libertés fondamentales, et notamment notre liberté d’expression. Des manifestants pacifiques sont transformés en délinquants et la cause défendue passe malheureusement au second plan.


Les manifestations sont devenues monnaie courante en France et à travers le monde. Synonymes d’une volonté de changement, elles remettent en cause le système et perturbent le fonctionnement des gouvernements visés. Ces derniers, pour la plupart, veulent conserver l’ordre établi et répriment les manifestants et par la même occasion, la liberté d’expression qui nous est essentielle. La relation entre la police et les citoyens a toujours été ambigüe car si elle est acclamée au moment, par exemple, d’attentats terroristes, elle est aussi fortement questionnée sur les moyens qu’elle utilise pour maintenir l’ordre. Et alors que les manifestants devraient pouvoir compter sur la justice pour rétablir un équilibre, les lois qui encadrent le droit de manifester sont trop floues et sont ainsi sujettes à de multiples interprétations qui ne servent pas toujours les intérêts des manifestants.




- Alissande Reynaud et Léa Duval-Olivier



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