L’élection présidentielle ayant lieu dans 157 jours, de premières échéances démocratiques vont avoir lieu d’ici là. C’est le cas du « Congrès » des Républicains, ou plutôt de leur primaire fermée qui a lieu dans un peu moins de 10 jours. Depuis plusieurs semaines, leur campagne fait rage et s’agite un peu plus chaque jour. Si à droite, Marine Le Pen est déjà candidate tout comme Nicolas Dupond-Aignan ; Éric Zemmour ne s’est toujours pas déclaré. Il s’agirait cependant d’une question de temps pour le polémiste.
Ainsi, 4 débats auront eu lieu d’ici début décembre, le premier ayant été diffusé sur LCI, le second sur BFM TV, le troisième sur CNews et le dernier sur France 2. Si les débats sont organisés entre les candidats de droite en vue de la présidentielle, trois thèmes accaparent à eux seuls une grande partie des discussions : il s’agit des questions identitaires, sécuritaires et d’immigrations. Lors du second débat sur BFM TV, 1h30 sur 3 heures ont été consacrés uniquement aux questions de sécurité et d’immigration. Très peu de place est donné à l’écologie, au pouvoir d’achat ou encore aux questions internationales.
Depuis plusieurs semaines, les 5 candidats (Xavier Bertrand, Philippe Juvin, Valérie Pécresse, Éric Ciotti et Michel Barnier) s’adonnent à des surenchères toujours plus extrêmes les unes que les autres. Leur logique est sûrement de séduire la partie la plus à droite de leur parti politique que représentent pour l’essentiel les adhérents LR qui pourront voter au congrès. De fait, ils se rapprochent par leurs constats et leurs propositions de personnages comme Éric Zemmour ou Marine Le Pen. S’il y a encore quelques années, toute courtoisie envers l’extrême droite était interdite chez LR (anciennement UMP, RPR…), certains candidats semblent avoir franchi cette ligne rouge imposée initialement par le Général De Gaulle, dont tous se réclament. C’est le cas d’un des candidats, Éric Ciotti, ayant annoncé qu’en cas de second tour Zemmour / Macron, il voterait pour le premier.
Au-delà du député des Alpes Maritimes, les 4 autres candidats concourent tous à des propositions un peu plus à droite les unes que les autres.
De gauche à droite : Éric Ciotti, Michel Barnier, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Philippe Juvin. (JOEL SAGET/AFP)
Xavier Bertrand souhaite mettre en place des « peines planchers », donnant lieu à des sanctions automatiques pour certains délits envers des policiers, des pompiers ou des maires. Le problème est que cette proposition s’oppose à plusieurs textes de loi fondamentaux comme : le Déclaration des Droits de l’Homme (DDH) dans laquelle la « personnalisation des peines » est fondamentale. Cela impliquerait notamment un changement de la Constitution française puisque la DDH se trouve dans son préambule ; de même cette proposition est contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi qu’aux Pactes Internationaux de New-York de 1966, qui garantissent la personnalisation des peines.
Valérie Pécresse propose quant à elle la fin du droit du sol, limitant de fait l’obtention de la nationalité française à l’unique droit du sang. La présidente de la région Ile de France propose aussi la mise en place de « brigades coup de poing » composées de « militaires, policiers et représentants de la justice » pour intervenir dans les cités. Si Nicolas Sarkozy voulait « nettoyer les cités au karcher », un stade semble être franchi avec la volonté d’y envoyer l’armée.
Éric Ciotti souhaite pour sa part supprimer le droit du sol et « rétablir l’ordre quoi qu’il en coûte ». Le député multiplie depuis plusieurs semaines les formulations chocs, expliquant ainsi sa proximité idéologique avec Éric Zemmour. Il dit vouloir mettre en place une « préférence nationale », expression inventée par le Front National dans les années 1985 ; il prône une « guerre de civilisations » et se dit en faveur « d’un Guantanamo à la française » se retrouvant ici parfaitement en lien avec M. Zemmour, qui souhaite pour sa part sortir du « pompeux état de droit ».
Michel Barnier veut de son côté un moratoire sur l’immigration, qu’il définit comme un « bouclier constitutionnel » permettant de bloquer les textes législatifs et de s’affranchir pendant un temps des conventions et autres traités internationaux relatifs à l’immigration. Il remet donc aussi en question l’Etat de Droit qui perdrait de son sens en cas de négation des textes de lois (nationaux et internationaux). M. Barnier propose aussi de limiter le regroupement familial qui est garanti par le préambule de la constitution de 1946 et par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de surcroit. Enfin, une jurisprudence du Conseil Constitutionnel de 1993 a fait intégrer l’idée que le regroupement familial est un principe constitutionnel.
Philippe Juvin explique qu’il faut mettre en place une exécution des peines dans les « pays d’origines » pour les étrangers condamnés en France. Le médecin a estimé lors du dernier débat que notre modèle de civilisation français est « supérieur aux autres ». L’ancien député européen a fini par proposer une sortie de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
NB : cette liste de certaines des propositions des candidats au congrès n’est pas exhaustive.
Nous pouvons donc voir un réel glissement de la droite « Républicaine » vers l’extrême droite. Il semble aujourd’hui ironique de se souvenir que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse avaient quitté LR à cause de la « dérive droitière » du parti. Marine Le Pen a elle-même réagi à toutes ses propositions des candidats LR disant « Je n’ai plus de concurrents, je n’ai que des clones ». Si beaucoup de ces propositions sont inconstitutionnelles, elles nécessiteraient des modifications de la Constitution de la Vème République. Pourtant, tous les candidats se revendiquent comme des Gaullistes convaincus.
La grande partie des trois premiers débats a donc porté sur les thèmes de l’immigration, cependant les 5 candidats y ont mélangé toute une série d’idées, de reçus et de chiffres bien souvent contestables. S’ils veulent tous « ralentir » voire « stopper » l’immigration, il semble important de rappeler qu’une note récente du Conseil d’Analyse Economique (CAE) montre que la reprise de la croissance économique est pénalisée par le manque de travailleurs étrangers. Ajoutons que, non les attentats n’ont pas été commis par des « migrants ». Les Frères Kouachi, Mohamed Merah et Salah Abdeslam étaient tous français. Enfin, contrairement à ce que disent les candidats de droite, non l’immigration et la sécurité ne sont pas les principales préoccupations des Français : pour 45% d’entre eux le pouvoir d’achat reste la priorité numéro une, loin devant la sécurité que seulement 10% des Français citent en premier alors qu’il n’y a que 9% pour qui l’immigration est une priorité.
Cette dérive à droite sur les questions de sécurité et d’immigration doit collectivement nous interroger. Voulons-nous une France refermée sur elle-même ? L’immigration ne permet-elle pas justement une richesse économique mais aussi culturelle et humaine ? Faut-il rappeler que les créateurs de Moderna qui nous ont permis d’avoir un vaccin en moins d’un an sont Français, Libanais et Américains et que c’est aussi ça la force de notre monde mondialisé.
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