Objectivité journalistique ? Neutralité déontologique ? Pluralisme de la presse ? Le récit de la nouvelle guerre entre Israël et le Hamas semble avoir fait fi de ces principes fondamentaux. D’un côté comme de l’autre, la résurgence du conflit israélo-palestinien en octobre 2023 à Gaza déchaîne les passions. L’international se positionne, chacun a son avis sur la question et tous le font savoir…
Le conflit opposant deux camps fait ressentir sa polarisation dans la presse. Le biais médiatique sur l’affrontement entre Israël et le Hamas est clair et dualiste.
Les pays arabes, qui perçoivent en majorité la question palestinienne à nouveau comme une question arabe, apportent leur soutien à Gaza. La presse souligne principalement l’aspect historique du conflit, désignant la colonisation israélienne comme racine du nouvel éclatement de violences. Selon le secrétaire adjoint de la Ligue arabe Hossam Zaki, le récent sommet de l’organisation visait à « mettre fin à l’agression, soutenir la Palestine et son peuple, condamner l’occupation israélienne et la tenir responsable de ses crimes ». Son objectif est de « réveiller la conscience de l’humanité face à ses atrocités commises contre les civils palestiniens innocents ». Le Hezbollah libanais, acteur qui inquiète la scène internationale par sa possibilité de soutien au Hamas, déplore la mort de sept combattants par des frappes israéliennes « martyrs sur la route de Jérusalem ».
La question du Hamas complexifie encore la situation à Gaza. En effet, l’organisation qualifiée de terroriste par de nombreux pays occidentaux s’est substituée à l’autorité palestinienne à la tête de la bande de Gaza en juin 2007. Les pays arabes expriment leurs craintes pour les Gazaouis qui subissent les représailles israéliennes à cause du Hamas. Le gouvernement israélien, lui, soutient que la guerre est attribuable aux attaques terroristes du Hamas. Emmanuel Macron a exhorté Israël à cesser ses bombardements illégitimes à l’encontre des civils à Gaza, Benyamin Netanyahou a justifié les tirs de Tsahal sur les Gazaouis en mettant en avant le fait que « la responsabilité de tout tort fait aux civils incombe au Hamas ». Il légitime les actions du gouvernement comme des contre-offensives – puisqu’« Israël est entré dans la guerre en raison du meurtre brutal de centaines d’Israéliens par cette organisation terroriste et de la prise en otage de plus de 200 Israéliens » – éludant totalement l’aspect beaucoup plus lointain du problème : l’installation de la population israélienne dans le territoire palestinien.
Aussi, sur un même évènement, la presse de chaque côté sélectionne les informations qui servent sa position. Selon une émission de France Culture, « les médias donnent chacun leur version des faits en fonction de leur orientation politique ». L’explosion autour d’un hôpital à Gaza le 17 octobre 2023 est un exemple probant du biais médiatique. Le monde arabe se révolte et attribue la responsabilité à Israël, la chaîne d’information pro palestinienne Al-Jazeera relate les faits en ces termes, « Israël tue 500 victimes dans le massacre de l’hôpital de Gaza », faisant appel aux réactions émotionnelles. Au contraire, Tel Aviv se dédouane avec le Times of Israel qui affirme que « l’explosion de l’hôpital était due à une roquette mal tirée. Le monde arabe accuse Israël. » et se place en victime, voire affirme que le bombardement était le fruit d’une attaque ratée d’un groupe qui serait allié au Hamas, le Jihad islamique. Le porte-parole de l’armée israélienne, Jonathan Conricus, prend pour preuve des photos de l’explosion qui ne présenterait pas les caractéristiques des conséquences d’une arme israélienne. Benyamin Netanyahou essaie également de discréditer l’adversaire en l’appelant « Hamas-E.I. » afin d’établir des liens avec l’État Islamique. Le président états-unien Joe Biden a également innocenté Israël. La presse des États-Unis se positionne largement en faveur de son allié historique. La chaîne d’extrême-droite Fox News explique « d’après Israël » et plaide la non-intentionnalité avec un « tir de roquette raté ». Cependant, quelques voix dissonantes émergent en fonction des biais politiques. Le Washington Post de centre-gauche ne se positionne pas quant à l’innocence défendue par le gouvernement israélien et prend ses sources des officiels palestiniens.
Depuis le début du conflit, l’Occident – dont l’Europe – a majoritairement suivi la position américaine. Il semblerait néanmoins que les positions commencent à être plus nuancées. Le 9 novembre, des centaines de journalistes américains ont fait paraître un réquisitoire pour dénoncer les tendances du récit en Occident. Ils ont en effet demandé aux médias de « couvrir avec lucidité les atrocités répétées perpétrées par Israël contre les Palestiniens » selon le Washington Post.
De surcroît, au-delà des médias traditionnels, l’objectivité de l’information est également minée par l’intelligence artificielle qui permet aux deux parties de manipuler des images à des fins propagandistes. Israël et le Hamas, tiraillés entre assurer leurs victoires militaires ou communicationnelles, manipulent des vidéos – tour à tour pour effrayer leur ennemi en mettant en scène leurs actions et pour diaboliser leur adversaire en attirant la pitié du reste du monde.
L’opinion mondiale a les yeux rivés sur le conflit, divisée face à la bataille médiatique et communicationnelle livrée par les deux camps opposés.
Coline George
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