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Le Canari

La parole est un sport de combat

Les lumières s’éteignent, les chuchotements cessent, la bande-annonce du documentaire « À voix haute ! » commence afin de présenter l’intervenant et son travail. Le silence se réinstalle dans l’amphithéâtre Theillard de Chardin, la salle bondée attend l’annonce de l’arrivée de l’orateur qui entre en scène sous un tonnerre d’applaudissements, voire les cris de quelques fangirls.

Le Chti exilé en terre parisienne est devenu avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, mais partage également son temps entre Saint-Germain et Saint-Denis, afin d’enseigner l’art oratoire. Le Rizomm, qui ouvre son club de débat, l’a ainsi invité back home, dans les locaux de l’université catholique.

Son livre a inspiré le film Le Brio, avec Camélia Jordana qui obtient par la suite le césar du meilleur espoir féminin ; et sa parole les jeunes de Paris VIII, où se déroule Éloquentia. Selon lui, « la parole qui touche, c’est la parole qui compte ».

Éloquentia, justement, parlons-en. Sur la base du bénévolat, Bertrand Périer joue avec le théâtre, les cours de prise de parole, le slam et ça autour d’un couscous à Saint-Denis. Après six semaines d’entrainement intensif, les jeunes de l’association sont lancés dans le fameux concours final d’éloquence, qui se termine mi-avril. Le jury est composé de comédiens, de chanteurs, de juristes, d’avocats, afin d’égaliser les chances de tous les candidats. Le grand vainqueur ne gagne rien, pas d’abonnement à Télérama, mais bien une grande confiance en soi. Gagner un tel concours, c’est imaginer qu’on peut refaire le monde.

Toutes ces histoires peuvent sembler farfelues pour un grand timide de base comme l’était maître Périer. Néanmoins sa thérapie personnelle passe par un retour en arrière, sur le trac constant auquel il a fait violence. Seul ou en groupe, on peut en sortir, il faut en sortir, dans ce monde régit par la communication. Que ce soit à l’aide de concours d’éloquence, il s’agit ici de saisir les opportunités et la souffrance (espérons) cède au plaisir : « On ne naît pas orateur, on le devient. »

Ce n’est pas l’histoire de battre Teddy Riner au judo, ni de courir le marathon, mais de s’affronter sur le ring, de donner le meilleur de nous-même dans ce sport de combat qu’est l’art oratoire. Le titre original de son oeuvre « Belle Parole » s’est vite transformé, en écho à ce combat de moi versus moi. En effet, la parole passe par le corps, les muscles, les gestes : le langage implique le corps entier. Cela reste tout de même un combat pacifique, dans le but de convaincre, de partager avec les autres.

A l’époque de Twitter, Facebook, du règne de la punchline en 280 caractères (RIP les ex-140, on vous a aimé), notre pensée est nuancée, l’exigence des réseaux sociaux peut nous restreindre ou nous forcer à balancer des clashs en plein débat présidentiel. Sans plus m’égarer, c’est l’idée de forme de l’expression de la pensée, moins de formalité, plus de communication, nous avons besoin de parler sans se tapir derrière nos écrans.

La parole est un pouvoir que l’on peut exploiter, nous devons au final, nous exploiter. C’est aussi l’objectif de l’improvisation, par laquelle il jure tant. Le plaisir de parler sans bien se préparer est différent du papier que l’on lit, posé sur notre pupitre. Le public est pus facilement happé, l’orateur devient un funambule qu’on attend de voir tomber, nous allons au cirque pour voir du risque, non du prévisible. C’est alors qu’il nous fait la surprise de monter sur le fil, mots après mots, il accélère sous les yeux ronds des étudiants, sans s’essouffler. Pardon de briser vos rêves, mais c’était un texte appris par coeur. Tout de même impressionnant.

Bertrand Périer est donc passé par Lille, toujours avec la peur de décevoir au ventre, décevoir les autres comme lui-même, encore ce trac avec lequel il a appris à jouer. Sur ces derniers mots et l’intervention d’Arthur Corman, la conférence se termine.

Alors levez-vous, et faites-le.

Ou assistez depuis le public au prochain choc inter-espol organisé par Révolte-toi, ainsi qu’au prix Hortensius dans les prochaines semaines.

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