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La nouvelle ère des clubs-Etats

Après 2 ans de négociations, le club de Newcastle United en premier League a été racheté, par un fonds d’investissement Saoudien dirigé par le prince héritier Mohammed Ben Salmane. On trouve désormais 3 clubs avec le PSG (Qatar) et Manchester City (Emirats Arabes Unis) à être dirigés par des pays. Mais pourquoi ces états investissent dans le football ?



Le paradoxe du supporter

L’Arabie Saoudite est connue pour sa violence et surtout son non-respect des droits de l’homme : on peut utiliser comme exemple l’évènement tristement célèbre de l’assassinat du journaliste Kamal Kashoggi, un opposant du prince Ben Salmane dans une ambassade en Turquie.


Mais malgré tout, le rachat du club après des années de présidence compliquée suscite une vague de joie au sein des supporters Magpies. Directement après cette annonce, ils se sont rassemblés devant Saint James Park pour exprimer leur bonheur, allant jusqu’à même arborer le drapeau saoudien. Malgré ces scènes de liesse, les supporters n’adhèrent toutefois pas à l’idéologie coercitive du pays acquisiteur. Alors pourquoi fêtent-ils cela avec une immense joie ?


Le concept de Samuel Coleridge, un poète anglais, appelé la « suspension consentie de l’incrédulité » peut permettre d’esquisser une réponse à cette question. Thibaud Leplat, enseignant en philosophie à Science Po, met en avant cette tendance dans le football. C’est un phénomène où le spectateur accepte de mettre de côté son scepticisme et sa morale. Quand le supporter entre dans le stade et qu’il pense à son club, il suspend toute moralité, le temps d’exprimer sa passion. On pourrait aussi nommer cela le paradoxe du supporter.

Ainsi, le club de Newcastle va tout simplement changer de dimension : au lieu de jouer le maintien, il va disposer de moyens quasiment illimités, et va pouvoir viser chaque saison le haut du tableau. Finalement, il n’y aura que très peu de lutte contre cet achat, seul Amnesty International s’oppose réellement contre cette situation. En y regardent de plus près, les Saoudiens et les autres « clubs-états » cherchent à exploiter ce paradoxe des supporters pour transformer ce club en vitrine pour leur pays.



La stratégie du « sport washing »

Avec cet achat, l’Arabie Saoudite cherche à redorer l’image de son pays en s’appuyant sur une stratégie de « sport washing », c’est-à-dire faire oublier sa mauvaise image liée à la guerre au Yemen et à l’assassinat de Kamal Kashoggi grâce à l’image positive que le sport peut offrir. Cette stratégie exploite clairement l’idée de suspension d’incrédulité de Coleridge.

L’Arabie Saoudite n’est pas le premier pays du Golfe à utiliser cette stratégie, le Qatar avec le PSG l’emploie régulièrement. Le sport est même devenu le meilleur moyen pour le pays qatari de se donner une bonne image aux yeux du grand public, avec pour principal exemple l’organisation de la Coupe du Monde au Qatar en 2022 où de nombreux travailleurs sont morts, pas moins de 6500, dans la construction des stades. Pendant un temps, on a cru à un éventuel boycott de la part des nations, mais le pays a réussi à faire disparaître ce soulèvement par des jeux de pouvoir, et en orientant les projecteurs sur son club européen. Les dirigeants cherchent à recruter un maximum de stars, et notamment cet été, à un an de leur coupe du monde. Ils ont offert aux supporters parisiens et à la planète du foot l’un des plus grands mercatos de l’histoire avec l’arrivée de la star planétaire Léo Messi ou encore Sergio Ramos. Une véritable razzia avant l’événement sportif, pour le préparer de la meilleure des façons tout en faisant oublier la situation humanitaire alarmante dans le pays.



Soft power

Les pays qui s’intéressent le plus au sport et en particulier le football viennent du Golfe : le trio Qatar, Emirat Arabes Unis et Arabie Saoudite. Ils investissent dans le sport afin de diversifier leurs sources de revenus, car ils fonctionnent principalement grâce à l’argent du pétrole, qui n’est pas une ressource illimitée. En effet l’objectif pour eux est de créer une véritable vitrine dans le sport pour attirer des grandes entreprises et plus de touristes.


Le football est aussi un moyen pour eux d’étendre leur influence politique, c’est un vrai travail de soft power, c’est-à-dire un jeu d’influence et d’orientation des relations internationales en leur faveur. Le Qatar a une influence majeure en France, puisque c’est un des piliers de l’économie du sport français (football, handball, judo). Cela pourrait être considéré comme l’un des moyens de pressions du pays sur le nôtre en cas de problèmes diplomatiques, car si le pays du Golfe décide de cesser ses activités, cela pourrait déclencher une véritable crise économique pour le sport français, principalement dans le football où le PSG est le club qui fait rayonner la Ligue 1. Sans lui, elle perdrait son meilleur argument de vente.



Le Football comme une guerre

On sait que les relations entre le Qatar et les autres pays du Golfe ne sont pas les meilleures avec des affaires de Boycott entre les pays. Le football est finalement devenu pour eux un moyen d’affirmer sa domination sur les autres sans violences, une sorte de guerre pacifique. Le football est devenu un véritable champ de bataille où les égos des deux pays s’affrontent et une véritable course s’est enclenchée entre Manchester City (Emirats arabes unis) et le PSG (Qatar) pour voir qui sera le premier à réussir à décrocher le graal, la ligue des champions. Le premier gagnera sur l’autre et obtiendra une importante vitrine pour le monde, ce sont des enjeux majeurs dépassant le cadre même du sport.



Danger pour le sport ? Un drame économique ?

Javier Tebas, président de Liga, avance un éventuel problème avec les clubs contrôlés par des états, notamment le PSG. Ces clubs possèdent des moyens colossaux et dépensent donc énormément sur le marché des transferts. Selon lui, c’est un grave danger car ils dérégulent le système en dépensant sans compter. La concurrence serait illégale, et il faudrait empêcher ces clubs de pouvoir dépenser autant. Mais, certes ces clubs sont très dépensiers, mais ils ne sont pas les seuls. En effet, on constate que le PSG n’est pas sur le podium des clubs les plus dépensiers sur le marché. Ce dernier est composé dans l’ordre de Chelsea, Barcelone et enfin Manchester City, le club des émirats. La différence est finalement minime entre les grands clubs et ces nouveaux « clubs-états ». On peut donc se demander si l’argument est vraiment valable surtout venant du président de la Ligue Espagnole, qui a trois de ses clubs dans le TOP 10 des plus dépensiers. Mais cette situation reste à surveiller pour éviter que la concurrence disparaisse à cause d’une trop forte inégalité entre eux. Il est donc très important pour l’UEFA de continuer à travailler sur sa réforme du « fair play financier ».



On constate que les Etats du Golfe qui investissent dans le football ont énormément de raisons d’investir dans le sport. C’est devenu pour eux un véritable moyen de développer leur image et d’étendre leur influence dans le monde, et d’enfin se faire connaître. Avant le rachat du PSG, une majorité du public ne savait même pas placer le Qatar sur une carte, maintenant tout le monde le sait, preuve de l’efficacité de cette stratégie. Mais il faut faire attention à ce phénomène qui risque de mettre le sport en arrière-plan et finir par définitivement détériorer son image.

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