La mafia corse : lutte de la justice française
- Pauline Soulard
- 12 nov. 2021
- 4 min de lecture
Le crime organisé corse, aussi désigné « mafia corse », désigne les structures d’origine corse de criminalité organisée. Cette criminalité ; présente sur l’île depuis plusieurs siècles ; s’est étendue sur la métropole continentale mais aussi en Afrique, aux Antilles ou encore en Amérique du Sud. Ces derniers mois, la Juridiction Interrégionale Spécialisée de Marseille (JIRS) s’est saisie du sujet et a publié un rapport offrant une vision globale sur cette forme de violence sociale.

Origines du banditisme corse et nécessité du rapport
Le réseau criminel corse a imposé sa loi selon une « pax mafiosa » fortement ancrée dans les consciences, des années 1980 jusqu’aux années 2000. En effet en 2006, Jean-Jérôme Colonna ; figure de la mafia corse et maître sur les terres de Corse-du-Sud ; trouve la mort dans un accident de voiture. De nombreuses enquêtes sont alors menées pour déterminer les causes de son décès. Selon les conclusions de l’enquête scientifique de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale sa mort aurait été causée par un malaise cardiaque, mais de nombreux individus y voient plutôt un assassinat.
Le décès de cette figure du banditisme corse a entraîné un déséquilibre important dans le milieu corse. Ainsi, on voit apparaître une croissance des règlements de compte entre clans criminels. Une guerre fratricide voit le jour, notamment au sein du clan de la Brise de Mer, régnant sur la Corse-du-Nord. Ce groupement criminel corse, actif depuis les années 1970, voit ses membres s’entretuer entre 2008 et 2013. La croissance indéniable des assassinats et violences commises par les mafieux corses effraient la population locale. Les crimes se multiplient et les réseaux criminels se renforcent, notamment avec l’arrivée de la nouvelle génération depuis 2016. Le problème majeur aujourd’hui est que la mafia corse s’est imposée en Corse mais aussi sur le continent, via des activités illégales et également légales. Ainsi, le rapport de la JIRS paraît essentiel afin de trouver des solutions et d’élaborer de nouveaux moyens pour stopper ce phénomène.

Crédit Photo : AFP
Difficultés rencontrées durant l’élaboration du rapport
Le trafic des stupéfiants est une des activités principales du réseau criminel corse. Une alliance forte avec le narcobanditisme marseillais est alors notable. La mafia corse est aussi très active dans le milieu des jeux, casinos et boîtes de nuit. Le problème aujourd’hui est que le crime organisé corse touche des activités légales comme l’immobilier ou la sécurité. La JIRS déclare ainsi que « l’interpénétration du banditisme, de l’économie et de la politique » complique l’élaboration du rapport.
L’ambition des groupes mafieux et l’absence de limites - notamment financières - confirment l’aboutissement du niveau de criminalité et montre l’importance du contexte mafieux établi en Corse. Avec l’arrivée de la nouvelle génération, l’arrestation des criminels est devenue bien plus complexe. En effet, l’hyper-adaptabilité croissante dans le domaine de la communication et dans les modes de vie témoigne d’un réseau grandissant qui échappe aux filets de la justice. L’utilisation d’infrastructures criminelles élaborées, comme des voitures blindées ou des armes de guerre, rend la tâche de la police corse extrêmement sensible.

Crédit Photo : AFP
Solutions proposées par le rapport
Aujourd’hui, la justice lutte à armes inégales contre la mafia corse. Le rapport est d’abord destiné à convaincre le ministère de la Justice face à l’urgence de créer un pôle antimafia corse fort afin de lutter contre ces mouvements criminels. Le rapport, transmis au ministère de la Justice début 2020, propose une analyse fouillée de 150 dossiers établis entre 2009 et 2019.
Cette étude générale sur le phénomène mafieux corse montre clairement une mauvaise adaptation législative quant à la lutte judiciaire proposée contre ces mouvements. La JIRS propose ainsi au gouvernement français la création d’un service de police judiciaire unique, qui réunirait des enquêteurs de la police et de la gendarmerie et qui serait plus adapté au caractère exceptionnel du banditisme corse.
D’autres propositions ont été évoquées comme la création d’une cour d’assises spéciale qui serait composée de magistrats professionnels et non plus de jurés pour des assassinats commis en bande organisée. Le gouvernement et plus particulièrement le ministère de la Justice doit prendre le sujet plus au sérieux car la vie sociale corse et le bien-être de sa population en dépendent. Cependant, un des problèmes majeurs de ce rapport est qu’il établit des propositions. Ainsi, on voit que la professionnalisation des cours d’assises est un sujet bien trop complexe et qui divise indéniablement les magistrats. Éric Dupond-Moretti, actuel Garde des Sceaux et ex-avocat de criminels corses, s’est positionné dès 2017 contre la création d’une juridiction d’exception concernant les individus mafieux accusés.
La criminalité corse semble donc, après une phase de guerre interne, se fortifier, en partie grâce à l’arrivée d’une nouvelle génération de criminels. En effet, la modernité technologique et les nouveaux domaines dans lesquels se sont implantés les mafieux corses montrent l’expansion indéniable du groupe qui sévit aujourd’hui sur la Corse mais aussi en Métropole, notamment dans la région aixoise.
Le rapport délivré par la JIRS suffira-t-il à ce que la Justice comprenne la dangerosité du phénomène ? Malgré les divisions entre professionnels de la justice et de la sécurité, les mobilisations de la population corse se multiplient et il est possible de voir apparaître un renouveau corse, notamment avec la montée de mouvements nationalistes souhaitant mettre fin au banditisme organisé sur leur « Île de Beauté ».
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