Ces dernières années, les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse ne font que s’accroître partout dans le monde. Les journalistes exercent un métier devenu à risque car souvent intimidés, insultés, attaqués voir assassinés dans les régions sous hautes tensions. Selon les chiffres de l’UNESCO, un journaliste est tué tous les quatre jours ces dix dernières années, un chiffre qui inquiète la profession et qui souligne la dure réalité du métier. Face à ces conditions de travail, certains journalistes sont contraints de s’autocensurer par peur des représailles, phénomène qui n’épargne pas le continent européen.
Défendue par les démocraties modernes, la liberté d’expression garantit par extension la liberté de la presse et des médias. Celles-ci sont considérés comme fondamentales et sont notamment appuyées par l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) qui dispose que “tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.”
Quelles conséquences de la mise en danger actuelle de cette liberté ? Si elle est limitée voire supprimée, l’accès à l’information pour les citoyens deviendrait de plus en plus compliqué et chacun pourrait avoir des difficultés à s’exprimer librement. De plus, sans des médias libres d’expression, il n’y a pas de démocratie. De ce fait, la liberté et le pluralisme des médias sont des éléments essentiels de notre gouvernement libéral et des droits fondamentaux des citoyens européens.
Vers un renforcement de la protection des journalistes
Le monde entier se souvient du lanceur d’alerte Edward Snowden qui, en 2013, a permis la révélation au grand public de nombreux documents confidentiels concernant les activités de surveillances massives de la NSA (National Security Agency). Si ces révélations ont permis à des millions de citoyens de prendre conscience de l’utilisation des nouvelles technologies concernant à des fins de surveillance et de contrôle, elles ont également causé l’exil du lanceur d’alerte car menacé de représailles.
Journalistes, lanceurs d’alertes ou défenseurs des droits de l’homme sont aujourd’hui de plus en plus mis en péril par des « poursuites-bâillons ». Le terme fait en effet référence à une procédure judiciaire, souvent organisée par des organismes puissants (groupes de pression, entreprises, Etats), dont l’objectif de censurer et d’intimider les journalistes. Ainsi, leur prise de position et leur liberté d’expression sont limitée., y compris sur des questions d’intérêts publics.
C’est pourquoi il est important pour l’Union Européenne de lutter contre la multiplication de ces procédures « stratégiques », dans la plupart des cas appuyées par un nombre de preuves limitées et infondées, qui menacent la liberté d’expression et de la presse. Ainsi, le Conseil européen a arrêté sa position en faveur d’une loi contre les poursuites-bâillons dans un communiqué de presse du 9 juin 2023. Il entend par ce biais renforcer la protection juridique mais également économique des journalistes, en prenant notamment en compte les frais liés aux procédures judiciaires pour les individus poursuivis. Cet accord de protection va donner lieu dans les mois à venir à une discussion au sein du Parlement européen pour “parvenir à un texte législatif final”.
Garantir une protection de l’espace numérique
Les individus sont aujourd’hui de plus en plus confrontés à l’utilisation des nouvelles technologies. Si elles ont permis de nombreuses avancées dans les moyens de communication et d’information, elles ne restent pas sans risques pour la presse…
Garantir la liberté des médias, c’est également garantir aux utilisateurs la possibilité d’interagir de façon plus sûre, notamment en protégeant et imposant un certain niveau de transparence à la gestion des données personnelles des utilisateurs. Plus concrètement, il y a une volonté très forte aujourd’hui d’éviter toute récidive du scandale Facebook-Cambridge Analytica, qui a impliqué dans les années 2010 la fuite et le détournement de données personnelles de milliers d’utilisateurs, et ce à des fins politiques. Mais cela passe aussi par la mise en place d’un cadre légal applicable aux entités non-médiatiques. Lutte contre les contenus illicites, illégaux et mensongers, prévention et définition des risques de crises ou d’attaques sont ainsi au cœur des débats qui animent aujourd’hui les sphères politiques, juridiques et médiatiques, surtout au sein de l’Union Européenne.
Les libertés de la presse et d’expression sont ainsi les premières libertés en ligne de mire des régimes autoritaires, puisqu’elles permettent à la population de penser, s’exprimer, critiquer et s’opposer au régime politique. Si la presse vient à tomber entre de mauvaises mains, les conséquences seraient non-négligeables, et c’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prendre des décisions aujourd’hui, pour mieux protéger le monde de demain.
Emeline Almin
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