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La fuite des articles, l’évasion des amendements : est-il compliqué de réformer ?

Maëwenn Le Coroller-Richard

Dernière mise à jour : 6 déc. 2021

Vous êtes-vous déjà demandé comment nos députés et gouvernants, représentants directs des citoyens et citoyennes que nous sommes, proposent les lois qui régissent notre société ? Comment ces derniers s’engagent dans un long processus avant que leurs propositions ne soient votées ? En quoi certaines lois récentes, amendées, ont provoqué la déception et la controverse sur le peu d’impact qu’elles ont empiriquement par rapport à leurs ambitions originelles.


Commençons par poser les bases. Pour faire simple, les propositions de loi commencent par être rédigées par des députés ou sénateurs, les projets par le gouvernement lui-même. Les lois sont vérifiées puis enregistrées à l’ordre du jour de l’Assemblée, et examinées par une Commission.

Lors de plusieurs réunions d’études du texte, les articles, c’est-à-dire les propositions comprises dans la loi, sont à cette étape amendées, modifiées puis votées dans l’une des chambres de l’Assemblée puis l’autre, avant d’être adoptées et promulguées par l’exécutif.


Encore faut-il que la législation passe l’étape de la révision, qu’elle garde de son corps, de son sens. C’est à cette étape de vérification qu’il y a une réelle évasion des amendements et des articles, qui nous questionne à la fois sur les chances que les lois passent, mais également la possibilité que soient adoptés leurs aspects contraignants et réformateurs.


Partons des faits et abordons deux exemples récents d’envols des amendements.

Deux exemples qui font débat, à vous de vous faire votre propre postulat.



Loi "métier du lien”, une loi désossée

En Octobre dernier, François Ruffin, député de la France Insoumise, en lien avec Bruno Bonnel, député de la majorité sortent le film “ Debout les femmes”.


Ce dernier relate du long combat qu’ils ont et qu'ils continuent de mener à propos de la reconnaissance des métiers du lien, du care, majoritairement féminisés. Après enquêtes sur le terrain et une longue rédaction des amendements à apporter à la loi préexistante, leurs propositions passent en Commission afin que soit vérifié et modifié le texte avant qu’il passe à l’Assemblée.


C’est cette étape qui appauvrit dès lors leurs textes : la fin du temps partiel pour ces femmes qui ne sont pas soumises à l’obligation de gagner le SMIC : rejetée, l’effectivité des 35 heures incluant les déplacements professionnels et la valorisation des heures avant 8h et après 22h, souvent de vigueur car la norme est que ces petites mains soient les moins visibles, alors que pourtant si nécessaires, encore une fois rejetée.


François Ruffin, à la fin d’une réunion s’exclame dès lors “comment pouvez vous appelez ça “ma loi” alors qu’elle ne contient plus rien de mon ressort”.


Toutefois, ce combat n’en est pas à son terme et le ticket parlementaire revient à la charge. Tout d’abord, en créant et diffusant ce film où sont énumérées publiquement leurs propositions lors de la scène finale (Je vous passe les détails pour ne pas divulguer cette clôture touchante : vous irez le voir), un moyen d’avoir un impact médiatique. Ils reviennent à la charge dès aujourd’hui en continuant de parler du sujet et de nouvelles propositions sont en cours de création.

Une fuite des mesures, peut-être pas si durable que cela donc. L’avenir nous le dira.



La Convention citoyenne pour le climat

D’autre part, l’enjeu climatique n’y échappe pas, et cette fois, la proposition n’émane pas des députés, portes paroles des citoyens, mais bien des citoyens eux-mêmes.

En revanche, le constat reste similaire, tel un arbre en plein automne qui se défait de ses feuilles, les propositions se profilent face à leur application.


Au sortir de la crise des gilets jaunes, sur ordre du président, 150 citoyens tirés au sort, ont été chargés de définir une série de mesures susceptibles de réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale. Cet objectif coïncide avec les engagements français de l’accord de Paris.


Au total, 149 propositions ont alors été remises au président conformément aux souhaits de la population. Les propositions se regroupent en cinq thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir.


Toutefois, pourtant ayant été assurés de l’application des mesures proposées, les participants à la convention regrettent que ces dernières n’aient pas été toutes adoptées, notamment l’évasion des trois plus contraignantes étant entre autres la mention du taux de pollution sur les publicités des produits les plus polluants ou encore la mise en place d’une loi contre l’obsolescence programmée de nos interfaces numériques. 75 mesures sont adoptées avec toutefois des objectifs à la baisse tel des délais à rallonge ou encore des chiffres révisés. 71 mesures sont en cours de mise en œuvre ou d’examen, sans garantie d’application. Au total, 10 % sont reprises dans les mêmes conditions voulues.

Les membres du conseil d’Etat estiment notamment que “La loi est insuffisante et ne donne pas un cap net. Cette reprise partielle des mesures citoyennes ne permet pas de faire face aux enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique.” La probabilité d’une pression lobbyiste est également mise sur la table.

Une volonté de directivité démocratique donc qui trouve ses limites dans les modifications apportées aux lois.



Forger son opinion, un cheminement individuel complexe

En bref, ce que ces exemples récents prouvent, c’est qu’aujourd’hui, la prise de nouvelles mesures est un processus complexe, que vous soyez en accord ou en désaccord avec les propositions et projets.


Au-delà de cela, notons la tendance générale suivante : les lois de départs ne sont que partiellement reconnaissables dans les lois d’arrivées.


Cet article n’a en aucun cas un but de révolte contre ce système, loin de moi l’idée que je prenne position en ces mots sur l’aspect négatif ou positif du phénomène.

L’avis est subjectif quant à la pertinence des modifications, mais il est constitutionnellement fondamental que les lois en démocratie soient révisées avant leur promulgation (ce n’est pas moi qui le dis, mais les textes).


La question étant davantage pour vous, lecteur, de vous forger un avis sur la pertinence de ses révisions, poussant parfois à la perte du sens même du texte, que ce soit pour de bonnes raisons ou non, à vous d’en décider.

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