Tout ce qui est dit dans cet article n’engage que l'auteur et ne saurait être tenu comme la position de l’association Révolte Toi Espol.
De l’autre côté de la porte, le sol tremble. Les battements de mains, les roulements de pieds, les cris, les chants, les rires, les bravos tonnent et arrivent dans le couloir comme un trépignement sourd. Le public a faim. L’estomac lui, ne pourrait rien avaler. Les intestins noués, le cœur tambour, mais le sourire aux lèvres. Tout se résume à ça, à ce moment. Ce trac terrible mêlé à l’adrénaline enivrante. Les arguments sont dans les doigts qui tremblent légèrement, les ripostes sur le bout de la langue. La renommée du club est en jeu et c’est de l’honneur de l’école dont il est question. Tout dépend de ces papiers en mains, qui, quelques heures plus tôt trainaient dans une chambre d’étudiant, entre du linge sale et la vaisselle pas faite. Un poids immense pour de petites épaules. Enfin les noms résonnent, la foule explose et la porte s’ouvre. Les gladiateurs entrent dans l’arène et l’esprit se vide. Place à la révolte.
Les débats, pour ceux qui ont eu la chance d’en faire, sont à la fois moments d’extrême liberté et d’évolution très strictement restreinte. Les règles sont édictées par Paris, au cœur de la Fédération Francophone du Débat (FFD) et ne pas les suivre revient à s’exclure de ce réseau qui offre de nombreux adversaires et opportunités. En revanche, dans le cadre de ces règles, tout est permis. Les orateurs et oratrices sont libres d’utiliser leur plume, leur style et leurs jeux de mots. Ils sont libres ensuite de scander leur révolte ou pleurer leur éloge. Faire vibrer ou rire.
Vingt-quatre heures avant le débat, le sujet et les assignations de camp sont donnés aux équipes et commence alors une course contre la montre. Il faut tout savoir sur le sujet, les pours, les contres, les peut-être. Il faut savoir ce que l’autre va dire, comment et à quel moment du débat. Il faut être structuré, solide, mais prêt à tout effacer d’un revers de la main et improviser face à l’inattendu.
Il serait naïf de supposer une objectivité totale des structures encadrantes. La FFD favorise les grandes écoles et parmi celles-ci les parisiennes. Leur centre névralgique, leur cœur et la grande majorité de leurs activités sont à Paris et sortir en province demande plus d’efforts, de travail et d’organisation. Les jurys favorisent leur ancienne école, les présidents leur club et les orateurs leur équipe. Cependant, cette excuse ne peut servir de prime lamentation face aux défaites qu’un club peut essuyer. Chaque chute a une raison et celle-ci n’est pas toujours externe.
Ainsi le palmarès de Révolte Toi Espol n’est pas au beau fixe et est même drastiquement gris face à l’éternelle rivale qu’est la Palienne.
Il est cependant insupportable de voir une association qui rassemble tant d’orateurs, d’aficionados et de passions prises de haut par un ancien orateur désabusé. Le débat ne se limite pas à 60 minutes de diatribes de même qu’un match de foot se joue dans l’entrainement autant que sur le gazon. Aussi intéressante soit l’opinion présentée, la réforme ne se fait pas d’un claquement de doigt, déjà à cause des bornes édictées par la FFD et ensuite à cause de l’amour du débat.
Révolte Toi Espol peut se targuer de donner accès au débat à énormément de monde. Les sélections sont ouvertes à absolument tous ceux qui le désirent et la coupe intra-espol de l’année dernière a offert à un nombre conséquent de tribuns l’occasion de se révéler. Le prix de cette ouverture est le tableau de chasse. Dans un sport comme l’art oratoire, l’équipe gagnante est formée de membres qui se connaissent, s’appréhendent et ont eu plus que 24h à huis clos pour apprendre à se connaitre. Pour gagner il faudrait professionnaliser Révolte-toi. Créer un pôle compétition et un pôle loisir. Choisir en début d’année les quelques membres qui pour les deux semestres à venir lutteront à chaque choc.
Cela n’est pas l’esprit de Révolte Toi. On ne nait pas orateur, on le devient et ce n’est pas en bâtissant un plafond de verre que l’on ouvre des portes. Révolte-Toi est accessible et non élitiste et s’il faut pour cela travailler plus dur pour les victoires et ne pas se les assurer, qu’il en soit ainsi, les Espoliens n’ont pas peur de l’effort.
Pour ce qui est des critiques, aussi acerbes ou stylisées soient-elle, Révolte-Toi les prend, les écoute et y répond. C’est seulement dommage qu’il faille passer par un pamphlet aux métaphores douteuses et condescendantes pour se faire entendre d’un bureau à l’écoute. Ou peut-être est-ce simplement pour se faire voir, faute d’oser le micro.
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