De l’entreprise au consommateur particulier, les puces électroniques régissent une grande partie du monde industriel et deviennent peu à peu indispensables. Dans le milieu informatique, télécom (antenne 5G et téléphones portables) mais aussi automobile et aéronautique, elles demeurent essentielles à la production. Malgré tout, un marché d’une telle taille implique nécessairement des concurrences technologiques, des problématiques de pénurie, de matériaux rares (comme le silicium), de chaîne d’approvisionnement et de production d’échelle, allant jusqu’à mettre en exergue des enjeux géopolitiques majeurs. Aussi, les semi-conducteurs, composantes électriques hybrides - entre le conducteur et l’isolant, est au centre de l’attention des grandes firmes et des gouvernements.
Mais quelles sont réellement les implications économiques et industrielles des semi conducteurs dans un marché mondialisé? Et quelles sont les conséquences nationales du fait des politiques de délocalisation visibles depuis une vingtaine d’années ?
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Ces puces, si indispensables, s’inscrivent tout d’abord dans une chaîne de valeur industrielle complexe, et nécessitent un savoir faire et une machinerie unique. Les délais de production sont d’ailleurs de 4 à 6 mois au total. Par ailleurs, ce marché est en pleine croissance, atteignant 17,3% de hausse en 2021, contre 10,8% en 2020. Perpétuellement stimulée, la hausse de la demande contraint les entreprises de redoubler d’efficacité afin de pouvoir y répondre. La crise sanitaire actuelle et l’augmentation du télétravail suscitant du besoin en matériel informatique a créé un grand nombre de nouvelles demandes. S’ajoute à cela une transformation numérique généralisée dans tous les secteurs d’activité. Cependant, selon la IDC (International Data Corporation), cette reprise forte après une chute brutale en mars 2020 pourrait n’être qu’un problème ponctuel et se stabiliser courant 2022. L’ensemble de ces facteurs contribue néanmoins à créer une dépendance d’un nombre limité d’acteurs, et un déséquilibre de compétitivité entre les puissances industrielles.
Mais qui a réellement la main mise sur ce marché stratégique et primordial ? Beaucoup d’entreprises sont concernées, et parmi celles-ci, TMSC (Taïwan), détient aux côtés d’Intel (Etats-Unis) et Samsung (Corée du Sud) 30% du marché mondial. Mais si certaines ont fait le choix de maintenir la fabrication au sein de leurs propres usines, un grand nombre d’entre elles sont contraintes de déléguer à des fonderies. En Europe par exemple, l’attention a été très souvent tournée vers la conception et la commercialisation, sous traitant le design et sa production à des fonderies délocalisées. Conséquemment, Taîwan entretient une avance considérable dans la fonderie et la production - segments à forte valeur ajouté - des semi-conducteurs, avec par exemple la société GlobalFoundries.
Cet avantage compétitif non négligeable influence donc fortement la géopolitique de la région, tout comme le positionnement des grandes puissances industrielles mondiales. De l’Europe à la Chine, les risques de pénurie grandissants posent des questions d’autonomie nationale et des conséquences coercitives qui pourraient en découler. Le choix français et européen du fab-less (“stratégie de cession des centres de production”), accompagné de campagnes de délocalisation des usines et une spécialisation dans la conception du produit accroissent les dépendances internationales. Depuis quelques années, les négociations s’intensifient également entre la Chine et les Etats-Unis afin d’affirmer leur suprématie technologique. De chaque côté du globe, d’importants fonds (comme 50 milliards de dollars pour l’installation de fonderies américaines) sont débloqués afin de viser l’autosuffisance. A l’échelle européenne, l’objectif visé est de doubler ces parts de marché d’ici 2030, afin de réaffirmer sa place dans l’économie des semi-conducteurs.
Alors que les incertitudes d’approvisionnement s’enracinent et le schéma géopolitique évolue et s’envenime en mer de Chine, de nouvelles questions de sécurité s’ajoutent aux enjeux déjà existants de la chaine d’approvisionnement du produit. Phénomène structurel ou tension temporaire, ce marché risque de conserver quoiqu’il en soit une importance de premier plan dans les années à venir.
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