15 août 2021, les talibans reprennent le contrôle de Kaboul après vingt ans d’absence. Le repli de l’armée étatsunienne leur a laissé le champ libre qu’ils espéraient. Leur arrivée ravive le souvenir douloureux de leur régime passé. De 1996 à 2001, ils ont en effet été à la tête du pays et ne sont pas synonyme de démocratie. Cette époque évoque une restriction de libertés et des droits, surtout pour les femmes. Ce sont elles qui, majoritairement, les ont vu se faire fouler du pieds et ranger au placard pour un temps indéterminé.
Mais qui sont les talibans ? Littéralement « étudiants religieux », ils sont principalement issus de « madrasas », de grandes institutions où la vision d’un Islam « pur » est enseignée. Ces institutions sont majoritairement localisées au Pakistan, et des étudiants de différentes nationalités viennent y étudier. Ils s’appuient sur une vision stricte de la Charia, loi canonique islamique, afin de régir et de diriger la vie et les choix de la population.
Crédit Photo : Paris Match
Un souffle de renouveau balaie pourtant l’Afghanistan, ramené par la force militaire étasunienne après la chute de leur régime. Progressivement, les femmes acquièrent une plus grande autonomie et les activités autrefois considérés comme « masculines » leur sont ouvrent leurs portes. Petit à petit elles commencent à travailler, à pratiquer un sport, même si participer aux Jeux Olympiques en tant que cycliste reste tabou. Elles accèdent à l’éducation, une minorité d’entre elles suivent même des études universitaires.
Puis tout bascule. Joe Biden, président des Etats-Unis d’Amérique, organise le retrait de ses troupes du territoire. Les talibans reviennent avec la promesse d’être « plus modérés et inclusifs ». Dans les faits, les Afghans ne les croient pas. Preuve en est que le nouveau gouvernement est 100% masculin et que le Ministère des Affaires féminines semble avoir était remplacé par celui de la « Promotion de la vertu et de la prévention du vice ». Tristement célèbre sous leur précédent régime, il était responsable de la bonne et stricte application de la Charia, allant jusqu’à fouetter publiquement des femmes. L’éducation ne leur a pas encore été officiellement interdit, même s’il est déconseillé aux jeunes filles de s’y rendre à partir du secondaire tant que le problème de la mixité n’ait pas été réglé. Les universités ont aussi dû se plier à ces nouvelles règles et, à défaut de pouvoir leur offrir des salles séparées, ont placé des rideaux au milieu des salles de cours, afin d’établir des zones masculines et des zones féminines. Les professeures sont très peu à revenir enseigner, terrorisées à l’idée de potentielles répressions.
Mais certaines refusent se retour au XXe siècle et décident de se révolter. Les plus jeunes n’ont pas connu le premier régime des talibans et ont gouté à l’indépendance, à l’autonomie, a une certaine tolérance vestimentaire. Elles ne souhaitent en aucun cas perdre ses avancées majeures.
Manifestation à Kaboul le 19 août 2021 / Crédit Photo : REUTERS
Les manifestations afghanes sont violemment réprimées par les talibans. Cependant certaines ont réussi à fuir vers des pays Occidentaux, en France notamment. Les avions ont été pris d’assaut par les civils et les demandes de visas ont explosé. Elles sont nombreuses à risquer leur vie si elles restent. Journalistes, collaboratrices du ministère des Affaires féminines, comédiennes, sportives, leurs carrières sont en totale contradiction avec l’idéologie des talibans. Celles qui réussissent à partir sont majoritairement des intellectuels, qui ont des contacts à l’étranger. En France, six militantes de différents horizons politique ont publié une tribune, « L’amour, pas la guerre – Accueil inconditionnel des femmes afghanes », et appellent à un accueil sans condition de toutes les femmes demandeuses d’asiles français, « Nous affirmons que face au danger absolu du viol, de la soumission et de la mort pour un pays qui se réclame des Lumières et de la démocratie, il n’a pas d’autres choix que d’offrir l’asile ». L’Etat mandate des associations d’utilité publique pour leur venir en aide. Les regroupements familiaux restent des procédures longues et compliquées, même si l’UNHCR appelle les Etats à leur offrir la priorité qu’ils méritent. Certaines, comme Utopia 56, qui possède une antenne à Lille, organise des maraudes pour distribuer des vêtements, des denrées alimentaires et des produits de première nécessité aux réfugié-es. Parmi elles, certaines ont pu participer aux Jeux Olympiques de Tokyo, à travers la délégation de réfugiés que le CIO a créée. Masomah Ali Zada devient ainsi la première cycliste afghane à y participer.
Premières victimes des talibans, elles se battent à l’étranger ou dans leurs pays pour la reconnaissance de leurs droits, identiques à ceux des hommes, en espérant remporter leur long combat un jour.
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