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Le Canari

"Elle ne m'a pas dit non"

En 2016, plus de 600 000 personnes ont été agressées sexuellement en France : c’est plus d’une personne par minute. Faute de sensibilisation et confrontées à la difficulté de dénoncer leurs auteurs, seulement 5% des victimes portent plainte. Mais qu’est ce qui les empêche de parler ?

« Vous vous sentiez honteuse de vous être laissée faire ? » interrogea le juge chargé du procès de Georges Tron. L’une des victimes prit alors la parole « Je ne suis pas laissée faire. C’est mon corps qui n’était pas en mesure d’agir ».

L’état de sidération, un mécanisme d’autodéfense ?

La sensation décrite revient souvent lors d’entretiens avec les victimes. Tellement effrayé par la violence et l’horreur subies, le cerveau développe un mécanisme d’autodéfense afin de séparer le corps de l’esprit et ainsi, limiter la souffrance. C’est ce que l’on appelle l’état de sidération.

Ce phénomène est le résultat psychique de la montée d’adrénaline et du cortisol (hormones du stress) qui créant une anesthésie émotionnelle lors de l’agression, court-circuite le système. Le stress vécu par la victime est alors comparable à un survoltage, pouvant faire disjoncter le circuit émotionnel (entrainant une crise cardiaque par exemple) s’il n’est pas contrôlé. Les mécanismes psycho traumatiques tels que l’état de sidération ou de séparation se déclenchent lorsque le cerveau n’est plus capable de contrôler les émotions.

C’est en fait une disjonction « volontaire » rapide et immédiate du cortex qui rend la victime spectatrice de la violence qu’elle subit.

De façon plus scientifique, l’amygdale cérébrale (noyau situé dans le lobe temporal) qui a pour but de décoder les émotions et gérer les réflexes, permet la production d’hormones du stress, l’augmentation du rythme cardiaque ainsi que de la contraction des muscles. Tous ces signaux activés d’un coup, rendent impossible l’analyse du cortex.

La victime est incapable de réagir puisque le cerveau ne sait plus quoi faire et se paralyse, c’est l’état de sidération. La victime se fige, comme lors d’une perte de connaissance. C’est le système de camouflage d’une agitation extrême pouvant aller à cause de l’angoisse jusqu’aux tremblements et vomissements. La victime souffre instantanément « d’une culpabilité omniprésente et d’un sentiment de souillure ».

« Ce sont des réactions neurobiologiques normales du cerveau face à une situation anormale, celle des violences » d’après Dr Salmona

Les troubles post-traumatiques sont les résultantes de ce mécanisme d’autodéfense

Pour éviter que le stresse ne provoque un arrêt cardiaque, le cerveau développe sa propre morphine et kétamine. Ces « anesthésiants » permettent d’isoler l’amygdale et de stopper la production des hormones de stress, mais sont également la cause des troubles post-traumatiques.

D’après Marina Carrère, « Suite à cette mise en quarantaine de l’amygdale, le souvenir n’est pas évacué vers l’hippocampe, censé être le siège de la mémoire. Il est piégé dans une région du cerveau qui n’y est pas dédiée et va donc se constituer en mémoire traumatique ».

Ce souvenir n’étant pas traité, il provoque inéluctablement une amnésie de l’évènement et peut resurgir à n’importe quel moment

Aujourd’hui, les scientifiques évaluent les risques de développer des troubles post-traumatiques après un viol à plus de 80%, contre 24% pour tous types de traumatismes. Le choc émotionnel est immédiat et est suivi d’une souffrance mentale incontrôlable : réminiscences, flash-back, cauchemars, troubles dissociatifs, troubles de la personnalité ou de l’humeur (risque suicidaire), risques d‘anxiété majeure comme les crises d’angoisse, les phobies, l’hypervigilance ou encore les troubles de conduites (sur la route, dans le sport, les addictions ou sous forme de conduites agressives et auto-agressives). Des troubles cognitifs sévères comme la fatigue et les douleurs chroniques, les troubles cardio-vasculaires, diabète, problèmes digestifs, gynécologiques, dermatologiques etc. sont également très probables.

La soumission n’est pas le consentement, ce n’est pas parce qu’une femme ne dit pas non qu’elle tolère les actes qui lui sont faits.

Plus de quatre femmes se sont fait agresser sexuellement pendant que vous lisiez cet article.

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